L’état des lieux du marché du travail du CSE parut début juillet met en évidence plusieurs constats et risques alarmants pour certaines catégories de la population :
- Ce sont surtout des profils avec des situations financières compliquées qui sont touchés par le chômage temporaire, parfois de longue durée. Des personnes ayant des revenus plus faibles et des niveaux d’épargne ne permettant pas de faire face à une perte de revenus importante, encore moins sur de longues durées. Ce qui peut mettre en danger le ménage.
- Ce sont également des profils qui sont surreprésentés dans les contrats de travail temporaires. Des contrats qui ne donnent pas toujours droit à une intervention de la sécurité sociale lorsqu’il y est mis fin.
- Malgré les aides possibles, certaines personnes n’ont eu d’autre choix que de se tourner vers l’ultime filet de sécurité sociale, soit le CPAS. L’aide alimentaire, l’aide financière ou la médiation de dettes, a aussi affiché une progression particulièrement forte. La demande de ce types d’assistance sociale s’est inscrite en nette augmentation au second semestre, ce qui peut indiquer que la persistance de la crise du COVID-19 commence à peser sur les (maigres) réserves financières de certaines personnes.
- En plus du fait d’être parmi ceux qui ont payé le plus fort le prix de la crise, le risque est encore accru pour les personnes les plus faiblement qualifiées. Et ce, en raison de leur large proportion parmi les chômeurs temporaires et leur risque d’entrer dans le système de chômage classique avec la fin des mesures de soutien liées à la crise du Covid-19.
Parmi ces personnes, on retrouve des travailleurs-apprenants de Lire et Écrire. Les Régionales wallonnes sont d’ailleurs unanimes, les apprenants sont marqués par la crise sanitaire.
Une bonne partie des alpha-travailleurs sont dans les secteurs d’activités qui sont restés actifs durant tout le confinement. Malheureusement, la crise sanitaire qu’on a connu a accentué les inégalités sociales et économiques préexistantes. En effet, leurs tâches sont en majorité du travail manuel. Les travailleurs ont été dans l’impossibilité de les réaliser en télétravail.
De plus, ce sont déjà de base de métiers compliqués : métiers précaires, flexibles, de pures exécution dit « peu qualifiés », … Les mesures mises en place pour lutter contre le Covid-19 n’ont fait que renforcer la difficulté liée à leurs conditions de travail : augmentation de la flexibilité du droit du travail, non-respect de la distance physique minimale, mise en chômage temporaire notamment pour éviter les frais du congé maladie, absence de matériel de protection, etc. Et le fait d’avoir des difficultés de lecture et d’écriture amène une complication supplémentaire : il est plus difficile de garder des traces écrites de l’abus des conditions de travail pour aller voir son syndicat.
Dans certaines Régionales, un apprenant sur quatre a dû faire appel aux colis alimentaires pour s’en sortir.
Est-ce une fatalité ? Bien sûr que non. A l’aube de la relance et de l’objectif de 80% de taux d’emploi, les entreprises ont besoin de s’appuyer sur tout le potentiel du capital humain disponible pour se relancer. Et cela passe par la prise en compte de ces profils plus éloignés du marché de l’emploi. Lire et Écrire en Wallonie propose plusieurs mesures positives et est prête à participer à leur mise en œuvre au côté du Gouvernement et des partenaires :
- Les formations concomitantes : Un objectif annoncé dans le plan belge de relance et de résilience est de ‘favoriser l’intégration sociale et l’insertion sur le marché de l’emploi des publics dit vulnérables’. Pour Lire et Écrire en Wallonie, cela passe par les formations concomitantes. Soit une solution pragmatique en vue de réduire la longueur des parcours d’insertion des personnes en difficulté de lecture et d’écriture tout en créant des ponts entre les différents organismes d’insertion socioprofessionnelle pour plus d’efficacité et de cohérence dans les parcours d’apprentissage. Il s’agit de lier l’apprentissage des savoirs de base avec l’apprentissage d’un métier (par exemple : apprendre à maçonner et parallèlement à calculer les m² à réaliser). Le cadre législatif et le soutien du politique doivent se pencher sur cette possibilité qui permettrait de réduire le parcours d’insertion professionnelle.
- La reconnaissance des formations alpha dispensées dans le cadre du contrat de travail : On s’accorde tous à dire que la formation en entreprise est bénéfique tant pour celle-ci que pour les travailleurs. Pour Lire et Écrire en Wallonie, il est urgent d’impulser, en concertation avec les organisations syndicales, les organisations patronales et les fonds sectoriels, une politique de développement des formations d’alphabétisation dispensées dans le cadre du contrat de travail. Et ce, sans perte de salaire, ni surcroit de travail. Ses formations doivent être intégrées et reconnues par les fonds de formation en tant que formation professionnelle.
- L’accès au congé éducation payé pour tous : Parmi les freins à l’emploi durable pour des publics spécifiques, on retrouve le manque de formation continuée. Dans son rapport de février 2021, le CSE mettait en avant le fait que « ce sont celles et ceux qui ont le plus besoin de formations qui en bénéficient le moins ». Actuellement le système des congé éducations payés n’est pas accessible à tous. Le Gouvernement doit soutenir ce système sans discrimination, quel que soit le type de contrat de travail, de sa durée, …
- La création d’un fond interprofessionnel dédicacé à l’acquisition des savoirs de base : l’analphabétisme peut toucher tous les secteurs, du personnel de nettoyage en passant par la maçonnerie ou encore le transport via la logistique par exemple. Lire et Écrire en Wallonie propose dès lors d’examiner la possibilité de créer un fonds interprofessionnel dédicacé à l’acquisition des savoirs de base alimenté par une participation des fonds sectoriels.
Pour renforcer l’inclusion durable sur le marché du travail des publics plus éloignés et fragilisés, il est nécessaire d’œuvrer tous ensemble. Les investissement doivent se tourner vers deux grands enjeux : d’une part le développement de modules d’accompagnement adaptés aux besoins spécifiques et individuels des personnes, et d’autre part, l’acquisition de compétences nouvelles et la valorisation de celles déjà acquises. Encore une fois, Lire et Écrire en Wallonie est ouverte à la discussion et prête à travailler au côté du Gouvernement et des partenaires pour une meilleure prise en compte des travailleurs précarisés.