Notre vision de l’alphabétisation
Pour Lire et Écrire, l’alphabétisation n’est pas une fin en soi. Il s’agit toujours d’apprendre à lire pour : pour aider les enfants, pour trouver du travail, pour sortir de chez soi, pour entrer dans la société, mais aussi pour se débrouiller seul, pour être libre, pour mieux comprendre le monde, pour aller voter, pour savoir se défendre…, comme nous le disent les apprenants.
Alphabétiser, c’est donner des outils – parmi d’autres – pour comprendre le monde, pour s’y situer, pour développer ses capacités d’analyse et de réflexion critique, pour y agir socialement, économiquement, culturellement et politiquement.
À qui s’adresse l’alpha à Lire et Écrire ?
Nos actions d’alphabétisation s’adressent à toutes les personnes adultes analphabètes et illettrées. Des, hommes et des femmes, jeunes et âgées, belges et étrangères… qui ne savent pas ou mal lire et écrire.
Elles n’ont jamais été à l’école, ou n’ y ont été que quelques années, ou y ont été plus longtemps mais sans y acquérir les savoirs de base correspondant au niveau de fin de scolarité primaire. Et ce dans aucune langue : ni en français, ni dans leur langue maternelle, ni dans leur langue de scolarité.
L’alphabétisation, une action (inter)culturelle
Travaillant sur la langue, sur la parole et sur le livre, l’alphabétisation est en soi un acte culturel. S’adressant à un public multiculturel et de milieu populaire, souvent précarisé, toujours déconsidéré, l’alphabétisation ne peut faire l’économie ni des questions de la (re)connaissance des différentes cultures en présence dans nos actions et dans notre société ni des questions « culture dominante/culture dominée », « culture populaire/culture savante ».
Il s’agit d’aborder l’alphabétisation non comme acquisition d’une culture savante dominante au détriment d’une culture populaire dominée mais bien dans le cadre d’un travail interculturel de compréhension et d’analyse des enjeux en présence. Exister dans sa propre culture est un enjeu essentiel pour pouvoir reconnaître celle de l’autre et ne pas développer de stratégies de repli.
Il s’agit également, au-delà du groupe en formation, d’amener chacun à de nouvelles découvertes et participation culturelles. De nombreux domaines culturels (théâtre, cinéma, peinture, photo…) n’exigent pas de savoir lire et/ou écrire. Or, les difficultés d’accès à la lecture et l’écriture engendrent, dans la majorité des cas, une large exclusion de la culture, renforcée par la précarité sociale de bon nombre de personnes.
Il s’agit enfin de proposer à chacun non seulement d’être un spectateur actif, ou même un acteur, mais d’être auteur de sa vie et de sa culture : de participer au processus de création. Dans une société où la culture écrite a supplanté la culture orale, c’est un enjeu important que des personnes illettrées trouvent dans l’environnement culturel une place à part entière tant comme « spectateur », et « acteur » que comme « auteur » et que l’alphabétisation permette une réelle appropriation de l’écrit soit la capacité de l’utiliser comme moyen d’expression et de création.
Aussi, nous travaillons
- Au développement d’une réelle dynamique de groupe interculturelle
- À la découvertes et appropriation des bibliothèques, des musées, des centres culturels…mais aussi du théâtre, du cinéma…
- Au développement d’espaces d’expression et de création : ateliers d’écriture, ateliers photos…
L’alphabétisation, pour exercer ses droits sociaux
Les apprenants entament fréquemment un processus d’alphabétisation pour « ne plus se laisser avoir », « connaître leurs droits », « suivre la scolarité des enfants », ou même « avoir la garde de ses enfants »…
Les difficultés de maîtrise de l’écrit renforcent gravement la précarité des personnes concernées : documents administratifs non traités, factures non payées, documents signés à l’aveugle et conduisant au surendettement où aux abus de droit, difficultés d’accès au logement, etc.
Ces difficultés renforcent également leur dépendance vis-à-vis d’un tiers (conjoint, enfant, voisins, assistant social…). Pour les adultes migrants, la précarité est également souvent relative au statut administratif, aux procédures qui y mènent et aux politiques qui les sous-tendent.
En apprenant à parler, lire, écrire, calculer…à partir des situations problèmes concrètement rencontrées et des documents reçus, nos actions d’alphabétisation permettent de lutter contre la dépendance, renforcer l’autonomie et la confiance en soi. C’est bien entendu un enjeu fondamental.
Mais il ne s’agit pas uniquement de savoir lire ou remplir certains documents, il s’agit aussi, au-delà du vécu, de comprendre de quoi il retourne et de pouvoir agir sur sa situation, ce qui implique que nous travaillions également dans nos actions d’alphabétisation sur le large champ de la connaissance de ses droits et des fonctionnements de la justice, de la santé, des syndicats…et d’analyse des mécanismes socio-économiques qui régissent la société et induisent les exclusions.
L’alphabétisation, pour exercer ses droits politiques
« Ne plus se laisser avoir », obtenir l’application de ses droits sociaux implique de développer une participation politique à la vie de la cité. La difficulté d’accès à la lecture et l’écriture engendre des phénomènes d’exclusion de participation citoyenne et de la vie politique, sans compter qu’une part importante de notre public n’a pas le droit de vote.
Il s’agit d’apprendre à prendre la parole et à exprimer un point de vue. Mais aussi de connaître les structures politiques, institutionnelles et associatives ainsi que de leurs modes de fonctionnement et d’appréhender le fonctionnement démocratique…
L’alphabétisation, pour accéder à la connaissance et l’information
Pouvoir accéder à l’information – ou plus tôt à une information diversifiée, contradictoire, permettant l’analyse – et pouvoir accéder à la connaissance pour mieux comprendre le monde et son environnement sont aujourd’hui des enjeux essentiels, tant pour les formateurs que pour les apprenants. Il s’agit de pouvoir se situer dans un environnement social et politique, mais aussi technologique, dans un contexte d’évolution rapide.
Atteindre cet objectif implique bien évidemment de travailler à l’acquisition des savoirs de base. Difficile en effet de se documenter sans savoir réellement lire et écrire, sans maîtriser les mathématiques de base, l’utilisation critique d’Internet…des savoirs scientifiques indispensables pour comprendre un tant soi peu l’actualité quotidienne au niveau environnemental : OGM, grippe aviaire, réchauffement climatique…et dépasser nos savoirs de consommateurs pour des savoirs d’acteurs.
Les activités que nous développons dans ce cadre portent sur la lecture et l’analyse des médias (presse écrite, Internet, TIC…), la maîtrise d’outils de compréhensions mathématiques et scientifiques, le développement durable…