Le slogan est le même partout que ce soit l’Administrateur délégué de l’UWE, le Gouvernement wallon ou encore les cinq députés CDH et DéFI : « Faisons de l’alternance une filière d’excellence ». Intention louable mais pour atteindre cet objectif, encore faut-il permettre d’y avoir accès. Pour Lire et Écrire en Wallonie, la proposition de formations mixtes devrait prendre en compte la notion de concomitance. C’est-à-dire donner à des adultes en difficulté de lecture et d’écriture la possibilité d’apprendre un métier tout en apprenant les compétences de base en lecture, écriture et calcul.
Sur le terrain on constate, en effet, que cet accès est hors de portée pour une grande partie d’entre eux. Non pas forcément à cause des compétences techniques non acquises mais parce qu’ils sont recalés avant même d’avoir pu montrer et valoriser leur savoir-faire. La raison : la présence de tests d’entrée qui nécessitent des compétences en lecture et en écriture et dont le niveau requis n’arrête pas d’augmenter et qui sont parfois complètement déconnectés du métier.
Résultat : au lieu de soutenir les personnes analphabètes à se lancer sur le marché de l’emploi et s’insérer dans la société, on les renvoie vers une formation pour apprendre à lire et à écrire avant de pouvoir prétendre à autre chose. Une formation qui peut parfois durer… quatre ans. Il y a de quoi se décourager avant même d’avoir pu apprendre un métier…
C’est là que la notion de concomitance prend tout son sens. En effet, la possibilité de se former à un métier, tout en poursuivant l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul permettrait aux apprenants de se voir « avancer professionnellement », de se sentir valorisés dans les compétences qu’ils détiennent et s’insérer dans une dynamique d’intégration sociale et professionnelle, non négligeable pour la confiance en soi.
À cet égard, les formations concomitantes se présentent donc d’une part, comme une solution pragmatique en vue de réduire la longueur des parcours d’insertion de ces derniers. Et d’autre part, comme une façon de créer des ponts entre différents organismes d’insertion socioprofessionnelle, afin de permettre aux apprenants de se déplacer plus aisément au sein d’une « tuyauterie » d’offres formatives.
Néanmoins, la mise en place de ces formations concomitantes nécessite des prises de position de la part du politique, afin de leur permettre de stabiliser et de pallier diverses difficultés rencontrées sur terrain. Ces propositions se développent sur trois axes :
- Financier : lorsqu’une même heure de formation ne peut être valorisée simultanément par deux centres d’insertion socioprofessionnelle, la mise en partenariat s’avère peu bénéfique pour celui qui ne peut pas comptabiliser ses heures dans le cadre de l’agrément CISP. Il semble dès lors indispensable de prévoir un financement pour un encadrement renforcé. De plus, la couverture financière des formations concomitantes ne doit pas se résumer à la simple mise en place technique et organisationnelle de deux formations qui se juxtaposent. Elle doit prendre en compte l’ensemble de ce parcours d’insertion professionnelle dans toutes ses dimensions. En ce sens, l’aspect financier va de pair avec une reconnaissance structurelle à part entière des dispositifs de formations concomitantes tout en laissant toute la latitude nécessaire aux acteurs pour trouver la meilleure collaboration pour répondre aux besoins qui sont les leurs et ceux de leurs apprenants.
- Administratif : Derrière ce terme se cache moins des freins administratifs qu’une réelle multiplication des exigences administratives, en fonction des partenaires impliqués dans le projet. En effet, si chaque acteur doit remplir ses propres démarches administratives, la lourdeur de ces démarches risque de prendre trop d’énergie par rapport au bénéfice que les partenaires peuvent en tirer pour les apprenants. Pour éviter toute entrave aux actions directement menées, une simplification administrative, allant de pair avec la reconnaissance officielle visée, parait dès lors souhaitable. Les professionnels de terrain gagneraient ainsi en autonomie, afin de réserver leurs ressources pour le développement et le suivi des actions à proprement parler.
- Pédagogique : pour les professionnels de l’insertion et les acteurs de l’alpha qui sont amenés à faire coïncider l’apprentissage des savoirs de base à la formation métier, il est nécessaire de s’accorder sur un mode de fonctionnement commun et de comprendre l’univers de l’autre. Plusieurs formateurs en alpha témoignent de la difficulté d’appréhender un vocabulaire technique lié à un métier, tout autant que les professionnels de l’insertion se sentent parfois démunis face à un public en difficulté de lecture et d’écriture. Il semble donc indispensable de prévoir un temps hors des formations (en amont ainsi que tout au long) afin de leur permettre de travailler sur une démarche pédagogique commune, de s’entendre sur des grilles de références partagées, alliant pratique professionnelle et apprentissage des savoirs de base.
Et si les intentions sont là, comme l’a notifié la Ministre Morréale en commission de l’Emploi, de l’Action Sociale et de la Santé du 16/3/21, il est néanmoins temps d’aller un pas plus loin. Cette volonté de réformer la formation en alternance peut être un point de départ pour lancer la réflexion sur la réduction du parcours d’insertion socio-professionnelle pour atteindre ces formations qualifiantes. Soit par la prise en compte et la formalisation officielle des formations concomitantes.