Le Cabinet du Secrétaire d’État pour la digitalisation, en charge de la Simplification administrative et de la Protection de la Vie Privée est en train de réfléchir à un plan d’action fédéral pour la simplification administrative (PFSA). Son objectif : réduire de 30% la charge administrative d’ici 2024. Sous couvert de l’argument que ce sera plus facile pour tout le monde (citoyen, entreprise et service public), le Secrétaire d’État en profite pour déployer des principes directeurs qui interpellent et inquiètent par rapport au public de Lire et Écrire.
Dès le départ la note est très claire : nous devenons une société numérique. Le ton est donné. Quand on va plus dans le détail, on s’aperçoit que :
- la priorité est donnée au développement numérique de chaque nouveau service et l’adaptation des services existants ;
- toutes les organisations fédérales sont impliquées dans le développement et la mise en œuvre de ce plan. Cela veut dire que l’ensemble des Ministres et leurs administrations seront amenés à appliquer le numérique par défaut.
- sous couvert du principe « no wrong door » [1] et du renforcement de la loi « Only Once », le numérique prend ses marques :
- mutualisation des données des citoyens et entreprises par l’ensemble des administrations : « Tout le monde utilise les mêmes données et peut signaler lorsqu’elles sont incomplètes, incorrectes ou plus correctes ».
- renforcement de l’utilisation des formulaires électroniques en leur donnant une valeur égale à celle des formulaires papiers.
- adaptation de la loi e-box : remplacement systématique du papier et renforcement des échanges avec le citoyen via l’e-box, notamment dans le cadre des communications entre l’Onem et le citoyen.
Tous ces éléments posent question et exigent des garanties pour la bonne prise en compte des personnes qui ne sont pas à l’aise avec le numérique :
- À aucun moment, le PFSA ne parle d’alternatives au numérique. Il parle de « tenir compte de la poursuite de l’inclusion numérique » mais sans donner d’explication ni d’actions concrètes. Comment le Secrétaire d’État garantit-il concrètement l’accès à leurs droits aux personnes qui n’utilisent pas le numérique ?
- Dans le cadre des données personnelles, existera-t-il une charte éthique pour l’utilisation des données ? Comment garantir la protection des données quand « tout le monde » y a accès ? Qui est ce « tout le monde » ? Le citoyen sera-t-il prévenu de qui utilise ses données et pourquoi ? Comment sera-t-il prévenu ? Aura-t-il le droit de refuser cet accès unique ?
- Internet passe essentiellement par le monde de l’écrit, si l’ensemble des administrations deviennent numériques, comment prendront-elles en compte les personnes en difficulté avec la lecture et l’écriture ?
Nous savons que la numérisation est en marche et que nous ne reviendrons pas en arrière, mais le constat est sans appel : le numérique par défaut divise la société et fragilise dangereusement certaines personnes. Il est indispensable de garder des alternatives pour celles et ceux qui ne sont pas numériquement autonomes. Si ces alternatives disparaissent, la cohésion sociale et le rôle du service public dans la mise en œuvre des droits seraient alors bafoués. Nous plaidons pour une société plus solidaire, où chacun a le choix, réfléchi et sans contrainte, du numérique ou du contact physique. Pour Lire et Écrire en Wallonie, l’accueil au guichet doit être la porte d’entrée pour tous et le passage vers le numérique sur demande explicite du citoyen. Changeons de paradigme et gardons le « Face to face by default » !