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L’amalgame entre analphabétisme / illettrisme – et plus largement échec scolaire – et faible niveau d’intelligence a la vie dure. Tant auprès du grand public que chez les professionnels de l’éducation, ou encore chez les personnes en difficulté avec les savoirs de base, comme le montrent ces témoignages recueillis par Agnès Villechaise-Dupont et Joël Zaffran [1] :
Vous pensez qu’on est moins intelligent quand on sait pas lire et pas écrire ?
(Alain, 53 ans, employé municipal.)
— Oui certainement, un petit peu.
— Ah bon… Alors c’est quoi pour vous quelqu’un d’intelligent ?
— Quelqu’un qui est comme vous : qui sait lire, écrire, compter. Voilà !
Mon père, il pense que… Il pense que parce que j’ai pas continué des études, parce que j’ai pas fait d’apprentissage, parce que… Il pense que je suis bête pour ça, que je suis qu’une idiote à cause de ça. (…) Il me l’a déjà dit. Il m’a dit comme ça :
(Aurélie, 19 ans, sans emploi.)Si t’étais plus intelligente, tu aurais réussi, tu aurais déjà du boulot.
Cet amalgame détruit la confiance en ses capacités d’apprentissage et plus largement, chez certaines personnes, la confiance en soi [2]. Il en résulte souvent de grandes difficultés à se réinvestir dans l’apprentissage à l’âge adulte, voire à ne pas se sentir continuellement en relation d’infériorité lors des contacts sociaux.
Les tests d’intelligence déterminant le quotient intellectuel d’une personne ne sont pas étrangers à cet amalgame. Souvent utilisés dans le cadre d’une orientation ou d’une réorientation scolaire, les adultes d’aujourd’hui ayant rencontré de grandes difficultés d’apprentissage dans leur enfance ont de fortes chances d’avoir eu à subir de tels tests à un moment ou l’autre de leur scolarité. Recouverts d’une aura scientifique, ces tests semblent dire la vérité, établir un diagnostic infaillible. Et pourtant…
Un bond dans le passé… retour au présent
En 1905, suite à une réforme de l’enseignement obligatoire et à la demande du gouvernement français, le pédagogue et psychologue Alfred Binet crée, avec l’aide du psychiatre Théodore Simon, une échelle métrique qui a pour but de mesurer le développement de l’intelligence des enfants en âge de scolarité. Le but est de détecter les élèves en difficulté en début de scolarité pour leur proposer un enseignement adapté, en comparant les résultats de leurs tests à la moyenne de ceux d’un échantillon d’enfants du même âge, considérée refléter le niveau de compétences intellectuelles de cette classe d’âge. Ce résultat est appelé « quotient intellectuel » (QI). La moyenne étant positionnée à 100, un enfant ayant un résultat inférieur à 100 sera considéré avoir un âge mental inférieur à son âge réel, et inversement. Ces tests seront ensuite retravaillés, enrichis et complétés par d’autres mais la notion de QI restera inchangée. En 1939, le psychologue David Wechsler développe et affine le test qui fait aujourd’hui autorité dans le monde entier.
La notion de QI fait désormais partie du langage courant. Les tests ne sont plus pratiqués uniquement par des professionnels avec la prudence qui s’impose (espérons-le !) mais les ouvrages destinés à un large public pullulent – Testez votre QI, Mesurez votre QI, Le grand livre de tests de QI, Mon quotient intellectuel (quiz), etc. –, tout comme les tests en ligne. C’est souvent l’envie de savoir si son enfant est à haut potentiel (HP ou HPI pour haut potentiel intellectuel), ou si on l’est soi-même, qui motive le plus grand nombre. Sur internet, il suffit de taper “test HPI” pour avoir des centaines de propositions d’évaluation, avec des options gratuites ou payantes, des graphiques en pagaille, des questions de personnalité et parfois, à la clé, un beau diplôme mais aucune valeur scientifique.
[3] Les plus riches, eux, se paient une évaluation chez un psychologue privé. Pour compléter, n’omettons pas de mentionner la série télévisée HPI [4] qui bat des records d’audience !
Des tests largement critiquables
Les tests de QI peuvent être remis en question sur différents aspects qui renvoient les uns aux autres et se complètent mutuellement.
Une approche de l’intelligence par le quantitatif
Par souci de standardisation et de comparaison, les tests de QI fournissent des résultats quantitatifs, réduisant l’intelligence humaine à une donnée chiffrée : Le paradoxe du quotient intellectuel, [c’est qu’il] quantifie ce qui, au vrai, ne peut l’être. Parce que l’intelligence est tissée de tellement de facultés cérébrales subtiles et complexes, il est tout bonnement impossible de l’étalonner sur une seule échelle.
[5] Ce faisant, les tests de QI renvoient au mythe de la quantification que l’on observe partout. Qu’importe si l’on fait dire ce qu’on veut aux chiffres, aux datas, pourvu qu’on puisse réaliser de jolis graphiques que personne (ou presque) n’interrogera.
[6] Ce que dit également de manière plus ironique Albert Jacquard, qualifiant le QI d’idée folle
: Mesurer l’intelligence ? Prétendre ramener cette réalité multiforme à un malheureux chiffre, c’est idiot. Ou alors, pourquoi ne pas instaurer aussi un “QB”, un “quotient de beauté” ? Quand je propose cela, les gens ricanent. Tout le monde devrait ricaner de la même façon à propos du QI.
[7]
Une conception de l’intelligence méritant d’être questionnée
Dans les tests de QI, l’intelligence est conçue comme une compilation de catégories, censées correspondre aux « composantes principales de l’intelligence cognitive » : la capacité à utiliser le langage, le raisonnement logique, les capacités visuospatiales, la mémoire à court et à long terme, la vitesse de pensée et d’exécution des tâches [8]. Les personnes testées sont invitées à réaliser une succession d’exercices autonomes les uns par rapport aux autres pour chacune de ces composantes. Le quotient intellectuel est établi sur base des résultats obtenus dans les différentes catégories, qui sont ensuite globalisés. L’intelligence est ainsi appréhendée sous un prisme réducteur, voire erroné. Exit en effet l’ouverture d’esprit, la créativité, la capacité à aller plus loin que le problème [donné à résoudre] pour le placer dans une perspective plus large (qui sont des éléments qui jouent un rôle important dans de nombreux travaux intellectuels)
[9]. Exit également la possibilité de s’appuyer sur des éléments de contexte qui sont pourtant essentiels pour pouvoir mettre en œuvre notre intelligence.
Des résultats faussés par des biais culturels et sociaux
Les tests de QI comportent des biais socioculturels au sens large, c’est-à-dire que les réponses vont être influencées par les références culturelles et le statut socioéconomique des répondants. La manière de lire et de comprendre une image ou un schéma, la signification de signes, le vocabulaire, les connaissances, etc. sont des éléments qui diffèrent d’une culture [et d’un groupe social] à l’autre
[10] et qui conditionnent la réussite aux tests. Tout simplement : la méconnaissance d’un terme utilisé dans une question peut entrainer une réponse fausse ou pas de réponse du tout, quel que soit le type de test.
C’est dans les tests verbaux que les biais sont les plus flagrants : la connaissance du vocabulaire bien sûr, mais aussi tout ce qui relève de ce qu’on appelle « la culture générale » qui, dans les tests de QI, est évaluée car considérée comme une « aptitude » relevant de la « capacité à accéder aux informations contenues dans la mémoire à long terme ». Comment des tests basés sur des éléments culturels dont on sait qu’ils s’acquièrent d’abord au sein de la famille et ensuite à l’école peuvent-ils être qualifiés de neutres et donner les mêmes chances de réussite à toutes et tous ? Et ce, même s’ils ont subi des adaptations en fonction du pays dans lequel ils sont appliqués (ce qui par ailleurs ne résout pas la question de différences culturelles entre les milieux sociaux).
On pourrait croire que les tests de logique sont à l’abri de tout biais culturel, qu’ils sont universels et placent tout un chacun sur un pied d’égalité. Ce n’est pourtant pas le cas. Car le raisonnement logicodéductif est davantage développé et valorisé dans certaines cultures que dans d’autres, dans certains milieux sociaux que dans d’autres, dans certaines filières scolaires que dans d’autres. Il en va de même pour l’abstraction. Comment dès lors ne pas voir que les conditions ne sont pas réunies pour que nous soyons toutes et tous égaux face aux exercices concernés ?
À cela s’ajoute le facteur temps puisque la vitesse de pensée et d’exécution des tâches est, dans les tests, considérée comme une des composantes du quotient intellectuel. La gestion du temps par le répondant va donc intervenir mais aussi le rapport culturel au temps puisque nous savons que la rapidité, le respect du temps imparti ou de l’échéance fixée n’ont pas la même valeur dans toutes les cultures, dans tous les systèmes socioéconomiques.
Comparaison, classement et stigmatisation à la clé
Les tests de QI placent les personnes (enfants ou adultes) à qui ils sont administrés sur une échelle comparative et les stigmatisent (positivement ou négativement). Il s’agit donc d’une donnée relative. Aux marges d’une majorité située à une distance relativement proche de la moyenne, positionnée à 100, les personnes ayant obtenu un QI de moins de 70 seront considérées comme mentalement déficientes, tandis que celles ayant obtenu un QI de 130 ou plus comme à haut potentiel. Ce terme de « potentiel » n’est pas innocent puisqu’il induit une idée prédictrice alors que les tests de QI ne donnent qu’un instantané de ce que la personne a réussi à faire à un moment t, ce qui ne dit en réalité rien de ses capacités futures étant donné l’influence d’une série de facteurs sur le développement de l’intelligence, dont les sollicitations de l’environnement, variables au cours de la vie. Le risque est cependant que, pour beaucoup de gens, ces tests s’apparentent à une prophétie autoréalisatrice : ils vont avoir tendance à renforcer l’estime de soi et la confiance en soi de celui ou celle qui aura obtenu un QI au-dessus de la moyenne et, inversement, celle ou celui qui aura obtenu un « mauvais » QI aura tendance à se dévaloriser et à ne pas croire en ses possibilités, ce qui peut favoriser ou, au contraire, hypothéquer son développement ultérieur. Quant aux autres, la majorité, ils seront ou non satisfaits d’être dans la norme, en fonction de quoi ils déploieront ou non de l’énergie pour augmenter leurs performances.
Ajoutons que, comme c’est le cas pour de nombreuses évaluations et épreuves d’examen, des facteurs psychologiques dont les états émotionnels ou encore la fatigue et les préoccupations de la vie quotidienne vont (inégalement) influer sur les réponses aux tests et partant biaiser (toujours inégalement) les résultats des personnes testées.
Un copié-collé de la hiérarchie sociale
Résultat de ce qui précède : tout comme les résultats scolaires, les résultats aux tests de QI sont liés à l’appartenance de classe. Une enquête réalisée en France, qui a porté sur environ 100 000 enfants de 6 à 14 ans – et qui conforte les résultats d’études antérieures tant en France qu’à l’étranger –, montre que les résultats moyens aux tests de QI s’ordonnent approximativement suivant la hiérarchie des emplois occupés par le chef de famille
, ce qui atteste d’un continuum lorsqu’on considère les enfants classés suivant la catégorie socioprofessionnelle de leurs parents
. Plus précisément, les écarts entre les ouvriers et les cadres sont de 12,2 points de QI
et cet écart est du même ordre de grandeur que celui qu’on trouve à l’intérieur du groupe des ouvriers lorsqu’on compare manœuvres et contremaitres (écart de 9,9 points de QI)
[11].
- Distributions et moyennes du QI chez les enfants d’ouvriers et de cadres supérieurs
- D’après Alain
Mingat , ibid.
En d’autres termes, les enfants qui réussissent le mieux les tests de QI sont les enfants les mieux dotés en capital culturel acquis au sein de la famille, les mêmes dont les parents sont les mieux dotés en capital économique, social et symbolique, pour reprendre les termes de Bourdieu. Les mesures du QI constituent ainsi un outil parmi d’autres de légitimation de la reproduction sociale. Selon Michel Tort, l’intelligence n’est pas simple propriété de l’individu, elle n’est pas “privée” mais sociale, c’est-à-dire qu’elle dépend d’une situation de classe – les tests ne mesurent pas ce qu’ils prétendent, une faculté personnelle, mais du social et de l’idéologique
[12].
Des conséquences qui n’ont rien d’anodin
Un outil au service de l’élitisme et de la ségrégation scolaire
La « culture du test », l’envie de connaitre son niveau d’intelligence, surtout quand on se croit ou s’espère à haut potentiel, contribue à renforcer le cloisonnement scolaire.
Ainsi, les enfants à haut potentiel sont orientés ou s’orientent vers les écoles réputées être de « bon niveau », autrement dit élitistes, voire vers l’enseignement privé [13]. En Belgique francophone, il n’existe aujourd’hui aucune école ou classe spécifiquement réservée aux enfants à haut potentiel ; plusieurs expériences ont bien été tentées mais ne sont plus poursuivies à l’heure actuelle. Il en existe cependant en Flandre et dans d’autres pays (France, Suisse, pays anglo-saxons…). En France, c’est notamment le cas du Lycée Michelet à Nice (école privée) dont le but est que les enfants à haut potentiel puissent retrouver des élèves qui leur ressemblent et être stimulés. Dès l’entrée, l’établissement affiche la couleur : réservé aux enfants intellectuellement précoces. Les 200 élèves ont tous dû montrer un test certifiant qu’ils sont bien HPI. (…) Fréquenter cet établissement très protégé coute 10 000 euros par an !
[14] Toujours en France, d’autres initiatives existent dans l’enseignement secondaire : scolarisation tantôt en classe mixte, tantôt en classe ou atelier spécifique (c’est-à-dire réservés aux élèves HPI) [15] ; section spécifique pour élèves HPI avec parcours réduit à 4 ans [16] ; etc.
Tandis que certaines écoles cultivent et renforcent l’élitisme social, d’autres, relevant de l’enseignement dit « spécialisé », accueillent les exclu
e s de l’enseignement primaire ordinaire pour raison qu’ils et elles sont dans l’incapacité ou éprouvent de grandes difficultés à suivre cet enseignement.Aujourd’hui, en Fédération Wallonie-Bruxelles, les tests de QI sont devenus des outils parmi d’autres à disposition des Centres Psycho-Médicaux Sociaux (CPMS) dans l’accompagnement et l’orientation des élèves [17]. Ce qui ne veut pas dire qu’ils ne sont plus utilisés : selon la Ligue des Droits de l’Enfant, l’évaluation relative à l’orientation d’un ou d’une élève vers l’enseignement spécialisé inclut encore souvent un test de QI. Et ce alors qu’il a été démontré que cette pratique revient à tester davantage les connaissances et le positionnement social des individus que le fonctionnement de leur intelligence [18]. Les statistiques de la Fédération Wallonie-Bruxelles le montrent, les enfants venant de quartiers où l’indice socioéconomique est inférieur à la moyenne se retrouvent davantage dans l’enseignement spécialisé, et ce dès le maternel [19].
Si la décision finale revient aux parents, ces derniers sont-ils en réelle capacité de négocier lorsque des professionnels leur garantissent que leur enfant y trouvera un encadrement plus favorable et qu’il pourra s’y épanouir
[20] ? Alors qu’au final, très peu y obtiendront le CEB [21] !
Selon la Ligue des Droits de l’Enfant, l’école a des principes : elle ne permet l’accès aux savoirs qu’aux enfants “bien nés” sans trop de difficultés d’apprentissage. Quant aux autres, ceux qui freinent les apprentissages, qui proviennent de milieux socialement moins aisés et dont le soutien pédagogique important risquerait d’entrainer un “nivèlement par le bas”, ils sont progressivement éliminés. L’orientation vers l’enseignement spécialisé est la première marche.
[22] Force est donc de constater que les tests de QI contribuent aujourd’hui encore à transformer les inégalités sociales en inégalités scolaires en Fédération Wallonie-Bruxelles.
Un instrument de politique publique sélective ou discriminatoire
Les tests de QI sont un redoutable outil lorsque des politiques s’en emparent dans une optique de politique sélective et discriminatoire. À plusieurs reprises au cours de l’histoire, le QI a été instrumentalisé pour étayer des mesures ou propositions élitistes ou eugénistes. Ce fut notamment le cas aux États-Unis au début du siècle dernier dans l’objectif de trier les immigrants. Ceux qui échouaient aux tests étaient renvoyés dans leur pays [23]. Ou encore dans l’Alberta, au Canada, lorsque des groupes de personnes ont été soumis à un programme de stérilisations contraintes à la suite notamment de mauvais résultats à des tests de QI en vertu d’une loi, la Sexual Sterilization Act de 1928 [24]. Ces stérilisations visaient principalement des personnes qualifiées de « mentalement déficientes », pour la plupart des jeunes femmes autochtones mais aussi des immigrantes et des personnes enfermées dans des établissements gérés par l’État. Beaucoup plus près de nous, des élus de l’aile droite de la CDU, le parti conservateur allemand, ont proposé en 2010 d’instaurer un test d’intelligence pour tout immigré souhaitant s’installer en Allemagne.
[25] Les tests de QI au service de l’immigration choisie !Nous devons poser des critères qui servent vraiment à notre État. Outre une bonne formation et une qualification professionnelles, l’intelligence doit entrer en considération. Je suis pour des tests d’intelligence
, a déclaré Peter Trapp dans le quotidien Bild, un membre de la CDU.
Le grand gagnant : le capitalisme
On pourrait bien le penser tant l’aura scientifique qui entoure les tests de QI et les résultats qui montrent une corrélation entre origine sociale et résultats aux tests semblent naturaliser la division de la société en classe dominante et classe dominée, et justifier la division sociale du travail, constituant par là un outil précieux au service du capitalisme
[26].
Par ailleurs, l’organisation des tests semble tout droit inspirée ou en tout cas être 100 % compatible avec la conception tayloriste du travail : décomposition en une série de courts exercices avec perte de sens à la clé, temps limité imparti à chaque exercice (ou ensemble d’exercices) et déterminé par le concepteur du test, temps morts (distraction, rêverie…) sanctionnés si la personne n’a pas le temps de répondre à toutes les questions… En se focalisant sur certaines compétences (…), sous le couperet d’un chronomètre, ils [les tests de QI] mettent en évidence des valeurs relatives à la performance, à l’optimisation du temps et de ses propres ressources, à l’efficacité, à la mise en concurrence par les chiffres, et à la réflexion intensive dans le strict périmètre de la norme attendue. De ce point de vue, les tests de QI servent parfaitement le capitalisme qui n’invite pas à penser hors de lui-même. Ils poussent à considérer l’Homme comme un être “rationnel”, un homo economicus que pourtant la moindre décision émotionnelle suffit à contredire !
[27]
L’alternative : le Tou
te s capablesUne école inclusive et de la réussite pour tou
te sÀ l’opposé de la logique des tests de QI et de leurs conséquences sélectives, ségrégatives et discriminantes, il semble impératif de penser l’enseignement ordinaire sur un mode inclusif et de réfléchir la pédagogie en conséquence. Soit de mettre en œuvre le postulat d’éducabilité cognitive : L’éducabilité est un pari, celui de renverser les vieilles croyances élitistes dans la fatalité sociale ou génétique. Un postulat n’est pas nécessairement la vérité. Croire que tout le monde peut apprendre, en fait, personne ne sait si c’est scientifiquement vrai. Mais personne non plus ne sait si c’est scientifiquement faux. (…) Nous avons [cependant] le devoir de postuler que tous les enfants – et tous les adultes – peuvent apprendre les savoirs que nous enseignons, et que nous devons tout mettre en place pour que ce soit vrai.
[28] La posture de l’enseignant e est donc primordiale. Il lui revient de tout mettre en œuvre pour que tou te s ses élèves réussissent, sans garantie d’y arriver, mais pour que tou te s acquièrent les savoirs au mieux de leurs possibilités.
L’école inclusive, c’est donc une école qui se donne pour mission de corriger les inégalités de naissance autant que faire se peut et de transmettre équitablement à chacune et chacun le bagage de connaissances nécessaires pour appréhender le monde et pouvoir le transformer vers plus de justice
[29]. C’est une école du Tous capables de maitriser ce qui est indispensable pour exercer ses droits de citoyens dans la société complexe qui est la nôtre
et réaliser ses objectifs propres
; une école qui vise l’égalité des résultats ou autrement dit l’égalité d’accès à l’émancipation sociale
[30].
On est loin du compte aujourd’hui… C’est pourtant ce que visait le décret Missions de 1997 [31]. Et l’actuel Pacte pour un Enseignement d’excellence a toutes les chances de passer également à côté de cet objectif [32].
Une société plus juste, plus démocratique, plus égalitaire, solidaire et émancipatrice
C’est l’objectif de l’éducation permanente [33]. Et partant, de l’alphabétisation populaire qui vise à permettre aux aprenant e s de passer de l’acceptation du rôle de dominé à celui de se reconnaitre comme sujet acteur / auteur de sa vie, de l’enfermement à la libération, du silence à la prise de parole, de la négation de soi à l’acceptation et à l’affirmation de soi, d’un sentiment d’incapacité à un sentiment de capacité, de l’acceptation de la fatalité au désir de construire son avenir, etc. (…) Elle tricote les principes des pédagogies émancipatrices, c’est-à-dire qu’elle pose le pari de l’égalité et du “Tous capables !”, développe le pouvoir d’agir, permet l’acquisition de savoirs libérateurs et développe la réflexivité, la créativité, l’intelligence.
[34]
Si nous sommes persuadénous échapperons à l’accablant futur qu’on voudrait nous destiner et serons en état de penser un monde nouveau (…). Nous saurons partager, imaginer, nourrir de nouvelles utopies (…), de celles qui engagent les sociétés humaines dans une voie émancipatrice. Le monde sera ce que nous en ferons !
[35]
Un fameux pied de nez à la notion de quotient intellectuel et à ses tests, à celles et ceux qui y trouvent un moyen de justifier ou de renforcer leur position sociale, ceux et celles-là mêmes qui, bien souvent, défendent l’ordre social inégalitaire et contribuent à le maintenir.