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Introduction
Comme point de départ, acceptons comme connu que les sociétés d’Europe occidentale accordent un poids social significatif, dans la structuration de la société, à la hiérarchie des diplômes scolaires et à leur répartition inégale. Cette corrélation positive existe entre d’une part, la hiérarchie des diplômes et d’autre part, le degré de possession et le degré de la qualité statutaire de l’emploi, le niveau des revenus, la durée de présence au chômage, le niveau de diplôme du conjoint ou de la conjointe, etc… Dans ce cadre, l’illettrisme est à situer comme une des inégalités culturelles fondamentales dans « la société de connaissances » (Union Européenne, Conseil Européen de Lisbonne de 2000) qui inclut une économie de la connaissance. Les questions centrales posées sont : que sont les inégalités culturelles ? Quelles en sont les spécificités ? Quels en sont les processus ? La société a-t-elle besoin d’illettrés ?
I. A propos des inégalités culturelles
Partons d’une recherche effectuée par le CERISIS concernant les relations entre l’école maternelle et les familles défa-va-lorisées (Mangez, Joseph, Delvaux, 2006), recherche prolongeant des recherches antérieures sur les processus de production des inégalités culturelles et scolaires (Liénard, Servais, 1976). Avant d’analyser les spécificités des inégalités culturelles, examinons succinctement un exemple : l’utilisation en école maternelle du « jeu-apprentissage » comme mode privilégié de transmission des bases du savoir utile à l’école mais aussi dans la vie. Quelles sont les principales caractéristiques du jeu-apprentissage et quels en sont les prérequis ? A l’école maternelle, l’apprentissage s’effectue souvent sous le mode du jeu qui est sous-tendu par des processus d’apprentissage portant sur des structurations centrales de divers processus de pensée. Ces jeux apprentissages concernent par exemple des jeux sur les syllabes et sur les mots, sur les formes, sur les directions dans l’espace, sur les couleurs, sur les grandeurs. En fait, par l’intermédiaire de cet apprentissage sous la forme familière du jeu, ce qui est recherché est un apprentissage abstrait cd un apprentissage de la forme, du schéma structurant pour lui-même. Car le schéma ou la forme logique qui les sous-tend sera alors transférable comme schéma abstrait et structurant d’activités concrètes vers des activités différentes faisant appel à ce même schéma abstrait [2]. Des auteurs comme Rey, (1999 ; 2008) analysant « le regard instruit », ainsi que Charlot, Bautier et Rochex, (1992), Charlot (2001) indiquent la spécificité du « rapport scolaire au savoir » et Bautier, Rochex, (2007) identifient le « rapport second aux tâches scolaires ». Ces auteurs ont montré quels sont les prérequis culturels implicites existant dans les activités de l’école maternelle et primaire pour construire ce rapport « instruit, scolaire » au savoir et aux apprentissages [3].
Que nous apporte cette recherche et bien d’autres ?
La culture des familles défavorisées dans leur appréhension de l’école ou aux sources de l’illettrisme
Face à ces exigences de l’espace scolaire qui sont souvent davantage implicites qu’explicites, les familles marquées par la multidimensionnalité des inégalités disposent essentiellement des codes domestiques de comportement fabriqués à partir de leur position sociale dans les contraintes et les possibilités de leur vie quotidienne. Ils disposent également de leur définition sociale (a) de la division des tâches et des responsabilités entre les mères et/ou [4] les pères ; (b) des âges de la vie, en l’occurrence celui de la prime enfance et de l’enfance [5] ; et enfin (c) du partage des responsabilités éducatives respectives entre l’école et des parents. Ce code et cet ethos domestiques sont l’outil cognitif et moral grâce auquel les familles défavorisées donnent un sens au monde préscolaire et scolaire, c’est leur outil d’interprétation, de compréhension et de proaction face aux exigences et aux situations de la vie scolaire qu’ils doivent vivre et assumer (Mangez et alii, 2002, 83-95). Si l’on reprend la même distinction que pour la culture scolaire, on doit d’abord constater que le domaine proprement préscolaire ou scolaire est moins constitué et est structuré à partir de critères externes non scolaires notamment vu le faible niveau de diplômes des parents et leur non-appartenance, pour la plupart, à des mouvements socio-éducatifs. On peut synthétiser cet éthos domestico-pratique de la façon suivante. Dans le domaine scolaire, pour ces familles (essentiellement pour les mères), apprendre n’est pas jouer. Apprendre des ‘choses’ utiles scolairement en jouant n’est pas concevable dans cet ethos et en outre, il existe des lieux pour jouer et ce n’est pas la classe d’école. On joue pour s’amuser et faire plaisir, pas pour travailler et apprendre des choses sérieuses. Ce qui importe également, c’est la quantité des choses faites, du matériel possédé et utilisé plus que la qualité et la progression. Telle mère utilisera l’épaisseur de la farde pour apprécier le travail de l’enfant plutôt que d’observer la progression des dessins et des travaux. Il en va de même en ce qui concerne l’importance accordée par l’école à la créativité de l’enfant puisque pour les parents, cette compétence est peu visible, produit peu de choses ou des choses étonnantes qui, dés lors, n’entrent pas dans l’ordre de la quantité visible. D’autres éléments de l’éthos dessinent plutôt le permis et l’interdit et les valeurs de référence dans la vie [6]. La surveillance et la discipline sont des valeurs essentielles qui s’opposent à la négligence et au laisser-aller. Mais ces valeurs doivent être assumées par l’école, ce sont des attentes vis-à-vis de l’école : c’est à l’école de leur apprendre les bonnes manières et la politesse et c’est l’école qui doit préserver l’intégrité physique des enfants. Enfin, les parents évaluent l’école non pas en fonction d’un rapport fonctionnel qui est souvent perçu comme froid et distant, mais mesure l’efficacité de l’école à partir de la chaleur et de la gentillesse du personnel enseignant notamment dans leurs relations avec les enfants et les parents (Mangez et alii, 2002 ; de Landsheere et alii, 2003)
Ces deux cultures (la culture domestique des familles populaires et la culture scolaire) entrent de façon intensive en relation lors de divers actes et rencontres de la vie scolaire. Ces deux cultures vivent leurs rencontres dans des relations sociales dont la logique sociale est celle des relations entre d’une part, le statut élevé et l’identité sociale légitime de l’école et des enseignants (même si celle-là et ceux-ci ont perdu partiellement de leur prestige d’antan) et d’autre part, le statut bas et l’identité sociale menacée, hésitante voire négative des familles défavorisées risquant d’être dévalorisées par les enjeux de cette relation à l’école (Bautier, 2006 ; Bautier, Rochex, 2007). L’enjeu de cette relation est donc à la fois (a) un enjeu d’identité sociale de la famille (reconnue ou acceptée et en voie de reconnaissance, soit encore en parcours de dévalorisation) et (b) le traitement et le statut préscolaire des enfants en vue de la réussite en primaire.
Niveaux d’analyse et spécificité des inégalités culturelles
L’analyse des inégalités culturelles est difficile et complexe à la fois aux plans théorique, empirique et politique. C’est pourquoi nous essayerons, dans un but de clarification, de décrire les quatre niveaux d’analyse et les quatre spécificités qui les caractérisent [7].
Niveaux d’analyse des inégalités culturelles
Les quatre niveaux d’analyse sont :
- la définition objective par l’analyste de la mesure et de la distribution des atouts et inégalités culturelles : niveau de diplômes selon l’origine sociale et culturelle, etc. ;
- l’analyse de la perception subjective culturelle de la réalité et des inégalités sociales ;
- l’analyse du jugement social et moral porté sur les inégalités : les inégalités sont-elles légitimes ou non ? justes ou injustes ? normales ou anormales ? ;
- l’analyse de l’attribution de la responsabilité des inégalités, de leur production, de leur répartition : en d’autres termes, faut-il attribuer la responsabilité des inégalités au système, aux organisations, aux individus eux-mêmes ?
Les inégalités objectives de l’analyste
Le premier niveau concerne l’analyse des inégalités culturelles tout comme on objective les inégalités économiques et sociales. Pour ce faire, l’analyste utilise la notion d’inégalité et possède, grâce à l’analyse comparative (via les données statistiques par catégories professionnelles et niveaux de diplômes ainsi que des enquêtes longitudinales entre groupes socioprofessionnels) en référence à des normes sociales proclamées légalement, des outils pour les mesurer. Cette analyse « objective » va permettre à la sociologie ainsi qu’aux militants sociaux et politiques progressistes de décrire des questions liées l’analyse de l’égalité et de l’inégalité. C’est ainsi, par exemple que les auteurs distinguent dans les questions de démocratisation de l’enseignement et de la transmission des biens culturels (accès aux livres, au théâtre, aux expositions, à la formation continue…) : égalité d’accès, égalité de traitement, égalité de progression, égalité de résultats, égalité en termes d’équivalence, égalité du nombre de chances face à telle ou telle épreuve (Dupriez, Vandenberghe, 2004 ; Groenez, 2004 ; Baye, Mainguet, Mossoux, 2005 ; Vandenberghe, 2002, 2004) [8].
La perception subjective des inégalités par les individus
Ce n’est pas parce que la sociologie (et il y a des débats entre sociologues pour savoir s’il s’agit d’inégalités) utilise la notion d’inégalité que cette notion est perçue et a du sens pour les acteurs sociaux (individuels ou collectifs). Un deuxième niveau est l’analyse de la perception subjective par les individus des situations et positions dites inégales lors de l’analyse objective. En effet, il existe des conditions sociales et symboliques qui rendent ou non possibles la perception par les acteurs sociaux de l’existence sociale des inégalités culturelles ainsi que pour établir un lien entre inégalités perçues par l’analyste et ce que perçoivent les acteurs. Bref, la dé-nomination et la perception par les acteurs sociaux de cette constatation objective peut prendre diverses significations d’autant que de nombreux discours officiels et institués (politiques, sociaux, religieux, psychologiques et sociologiques vulgarisés) peuvent être bricolés par les individus et les acteurs sociaux pour donner une autre signification à ce que le sociologue appelle « inégalités ». Soit quelques exemples.
- Si les gouvernants modifient l’index ou la taxation des revenus des salariés, la notion d’effets inégaux économiques sera vite mobilisée dans la conscience de beaucoup d’individus pour percevoir ce qui se passe, il en va de même pour la perception de la hiérarchie des revenus même si sa connaissance est fortement dépendante du niveau de diplômes.
- Pour dénommer ce que des sociologues désignent comme inégalités culturelles, il existe les discours sur le don et le non-don d’intelligence ; sur l’intelligence innée ou acquise ; sur le handicap psychologique ; sur le handicap socio-culturel.
- Dans la reprise vulgarisée et euphémisée du discours sociologique, on peut parler d’inégalités, de guerre à l’échec, de ségrégation entre établissements mais on ne rappellera guère que ces échecs touchent entre 5 et 10 fois plus les enfants de catégories socioprofessionnelles peu diplômées que celles fortement diplômées (Groenez, 2004)
Les légitimités et le jugement social et moral sur les inégalités
Le troisième niveau d’analyse des inégalités culturelles dans leurs aspects objectif et subjectif (symbolique) est confronté au jugement normatif (morale sociale) que les acteurs (individuels et institutionnels) portent sur ce que le sociologue appelle inégalité ; cet échec scolaire, ce raté à l’épreuve de lecture, d’écriture, de calcul est-il juste ou injuste ? Est-il normal ou anormal ? Autrement dit, est-ce que les épreuves sociales (les contrôles, les examens, les exercices certificatifs) dont le verdict « échec versus réussite » construira ce type d’inégalités, sont-elles réputées être légitimes c’est à dire adéquates par rapport aux moyens mobilisés et apportés aux participants et aux efforts justes demandés à ces participants en fonction de leur situation de départ ? Si les épreuves sont adéquates et concernent des individus ayant reçu des moyens égaux et les capacités de les mettre en œuvre de façon effective (capabilities au sens de Sen), (discrimination positive, répartition inégale des moyens en fonction des inégalités de départ), alors elles sont justes et légitimes et les inégalités qui en résultent, sont légitimes et justifiées [9].
L’attribution de la responsabilité de la production des inégalités culturelles
Que les épreuves produisant les inégalités culturelles soient justes ou injustes, légitimes ou non légitimes, un quatrième niveau d’analyse s’impose. Il s’agit de connaître sociologiquement comment la société s’y prend pour déterminer qui a provoqué cette inégalité, qui en est le principal responsable, quelle est la répartition des responsabilités entre les individus, les institutions et les organisations ? Bref, il s’agit d’analyser le processus de responsabilisation. Cette analyse est un outil pour les acteurs qui s’engagent dans la lutte sociale. Dans le cadre de l’alphabétisation, s’agit-il pour l’apprenant de faire une attribution exclusivement interne (à lui-même), externe (aux autres) ou répartie entre les deux ? Les mêmes questions se posent également pour les organisations scolaires, les institutions, les formateurs et les enseignants. Qui est responsable de l’échec, de la réussite : les pratiques des formateurs et des enseignants, le système, les apprenants eux-mêmes (n’accomplissant pas assez d’efforts ou mal doués, handicapés, paresseux), les parents et les familles, les associations de parents, les syndicats, les partis politiques ?
Spécificités des inégalités culturelles
Les quatre spécificités des inégalités culturelles sont :
- la privation de la conscience explicite que la culture (grille de perception, d’appréciation,…) peut être source d’inégalités ;
- la complexité et la difficulté de la prise de conscience de l’inégalité et de la relation entre attribution interne et externe de la ‘cause’ ou ‘source’ de l’inégalité ;
- les dimensions individuelles et collectives des inégalités culturelles ;
- la fonction transversale de la culture entre les diverses espèces d’inégalités et sa fonction médiatrice entre les différents niveaux de la réalité sociale.
La privation de conscience de l’inégalité
Une première spécificité des inégalités culturelles est de ne pas permettre la prise de conscience de l’inégalité et de la faire vivre comme provenant essentiellement et ontologiquement d’une incapacité personnelle, d’un manque propre (le ‘ça va de soi’, le ‘c’est ainsi et on n’y peut rien’). Et l’intériorisation de ce manque attribué essentiellement à soi-même aura et a des conséquences multidimensionnelles importantes et significatives dans la durée, nous y reviendrons.
La construction difficile et complexe de la prise de conscience
Une deuxième spécificité des inégalités culturelles mais aussi de l’action contre les inégalités culturelles est la complexité et la difficulté du travail culturel pour construire la conscience sociale (individuelle et collective) de l’existence des inégalités culturelles, de l’appréhension des « dons » et des « manques » comme résultant aussi, voire principalement de processus organisationnels, institutionnels, interactionnels et situationnels (Toczek, Martinot, 2005). La construction de cette prise de conscience des « dons, manques ou handicaps socio-culturels » comme inégalités demande l’action tenace et de longue durée de mouvements culturels et sociaux afin que ces questions s’incorporent dans la réalité sociale et dans la conscience vécue des agents. Ce processus est, d’une certaine façon, comparable dans la sphère culturelle, à l’apparition et à la construction dans le champ économique ou de la politique des revenus, (a) de la conscience de différences économiques catégorisées comme « inégalités désignées et vécues comme injustes et non justifiées par des mérites ou des capacités » et (b) – mais c’est une autre étape- qu’il est possible de les modifier puisque la résignation ne l’emporte pas. Cette conscience des inégalités économiques s’est fabriquée historiquement grâce à l’action longue de mouvements et n’a pas toujours existé. En effet, aussi longtemps que les situations existantes ne sont pas vécues et comprises au travers de la notion d’inégalité, celles-ci n’ont pas d’existence symbolique et sociale [10] dans le système culturel vécu par les acteurs sociaux. Or bien souvent le chercheur ou les militants peuvent sur-interpréter le vécu des personnes concernées et ont beaucoup de difficulté à intégrer, dans leur analyse et aussi dans leurs pratiques, le vécu subjectif des personnes concernées, vécu qui peut être aux antipodes des catégories d’analyse du chercheur ou des militants [11]. Pour les militants et les analystes, cette sur-interprétation risque de masquer ou plus exactement de travestir la situation « subjective, symbolique » effective des personnes vivant ce manque que le chercheur et le militant désignent comme « inégalité ». A cause de cela, les chercheurs et militants peuvent en venir à ne pas respecter le cheminement lent, difficile, source d’angoisses et de joies pour celles et ceux qui doivent « changer de perception et d’évaluation » à propos de ce qui leur arrive et de ce qu’ils sont. C’est ce cheminement et cette pédagogie culturels et politiques (au sens d’un regard critique et d’une prise de responsabilité dans le travail culturel et social) que des mouvements tels que Lire et Écrire ont intégré en dessinant dans la conscience des individus une correspondance plus adéquate entre le « constat objectif » (il existe dans les faits sociaux des inégalités dont les gens subissent les conséquences effectives même si les personnes ne ressentent pas et ne vivent pas ces conséquences comme des inégalités illégitimes ou injustes) et le « constat subjectif » [12] effectué par l’individu et le groupe concernés qu’il ne s’agit pas principalement d’un don, d’un manque ou d’un handicap personnel ou d’une inégalité juste et légitime. Mais que ce manque provient aussi d’un processus inégalitaire pouvant être modifié par le groupe et l’individu afin de parvenir à maîtriser ce dont ils ont été privés puisqu’il est toujours possible d’apprendre dans un environnement institutionnel et interactionnel basé sur la coopération exigeante et la solidarité dans l’effort individuel et collectif.
Les dimensions individuelles et collectives des inégalités culturelles
Une troisième spécificité des inégalités culturelles est le fait qu’elles concernent à la fois de façon indissoluble, la personne en tant que personne dans son être lui-même, dans son estime d’elle-même, dans sa totalité et des processus collectifs de type organisationnel, institutionnel et interactionnel. En conséquence, l’action doit articuler le collectif et l’individuel avec la même exigence.
Une inégalité transversale et médiatrice
Une quatrième spécificité provient des fonctions transversale et médiatrice de la culture. Puisqu’elle est une grille de perception, d’attribution de significations et d’appréciation de la réalité environnante et qu’elle a, de ce fait, une fonction de savoir et de compréhension du sens ordinaire de la réalité, la culture est transversale en ce sens qu’elle se décline en culture scientifique, culture économique, culture politique, culture religieuse, culture scolaire, culture identitaire, etc…Bref, tous les aspects de la vie en société et de la vie des individus sont perçus et appréhendés par l’intermédiaire d’une grille culturelle produite à la fois de façon spécifique mais également marquée par les rapports de force symbolique et sociale entre les groupes sociaux et les institutions dans chacun des champs de production culturelle et symbolique.
La culture est aussi médiatrice entre les divers niveaux de la réalité sociale car elle établit les articulations entre le « sens » (a) de la structure sociale, (b) celui des institutions et organisations ainsi que (c) celui des significations que les individus s’attribuent lors des situations interactionnelles auxquelles ils sont confrontés (Goffman, 1988 :186-230). Comme le fait remarquer H. Mehan (1992, cité par Forquin, 1997 :319-350) : « la culture n’est pas réductible à un pâle reflet des forces structurelles : c’est un système de significations qui sert de médiateur entre la structure sociale et l’action humaine. Les acteurs sociaux ne sont plus cantonnés dans un rôle passif, dicté exclusivement par des forces structurelles qu’ils ne contrôlent pas ; ils deviennent des producteurs de sens actifs, choisissant entre des possibilités alternatives dans des circonstances souvent contradictoires. Les établissements (scolaires) ne sont pas des boîtes noires que traverseraient les élèves au cours de leur cheminement vers des créneaux déterminés à l’avance par l’ordre capitaliste ; ils possèdent une vie riche d’évènements, faite de processus et de pratiques qui obéissent à des exigences contradictoires, lesquelles contribuent souvent, quoique de façon non-intentionnelle, au développement d’inégalités ».
II. Les pratiques et les stratégies des personnes concernées face aux inégalités culturelles
Typologie des relations entre la culture des familles défavorisées et les exigences de la culture scolaire [13]
La mise en relation active de l’ethos domestique des familles défavorisées avec les exigences des acteurs et la culture de l’école fondamentale peut permettre de mettre en lumière plusieurs postures relationnelles qui structurent les relations entre les cultures et contribuent à faire advenir pour les familles défavorisées (c.à.d. marquées par la multidimensionnalité des inégalités [14]), les inégalités de trajectoire. L’analyse effectuée par Mangez et alii (2002), et l’acquis de plusieurs autres recherches (Liénard, Servais, 1976 ; 1974 ; 1975a, b, c ; Pourtois, 1979 ; Poncelet, 2002 ; Desmet, 1993) permettent d’établir une typologie [15] des pratiques de ces familles défavorisées, en fonction de deux axes structurant les types de relations individuelles et/ou collectives qui s’établissent entre ces familles qui deviennent alors souvent – bien que sous des modalités diverses - dévalorisées lors de la confrontation entre les cultures différentes voire divergentes entre celle de l’école et celle des familles défavorisées. Le premier axe indique la construction de pratiques allant de l’opposition et du désaccord jusque l’acceptation à l’égard des demandes de l’école ; le second axe désigne un continuum allant des attitudes et comportements passifs vers des attitudes et comportements actifs. Le tableau ci-dessous indique les diverses postures possibles dans la gestion, par les familles défavorisées, des interactions entre d’une part, les enseignants et la culture scolaire et d’autre part, les familles et leurs enfants dans leur rapports à l’école et aux enseignants. Mais ces postures ne sont pas figées une fois pour toutes, au fil d’une trajectoire, une même famille ou un groupe de familles peuvent passer d’une posture à une autre en fonction de la diversité des situations scolaires vécues, des rencontres avec les enseignants et la direction, des attitudes et réactions des enseignants, des autres parents et de l’association des parents, des évolutions des familles défavorisées elles-mêmes et des situations de leur vie que l’école vient à connaître [16].
Pratiques et stratégies des familles défavorisées dans la gestion des relations « familles-enfants-écoles-enseignants »
Dynamique des postures relationnelles des familles | Comportements et attitudes actives (individuelles ou/et collectives) | Comportements et attitudes passives (individuelles ou/et collectives) |
En opposition avec les exigences de l’école | de négociation à revendication voire de résistance vers altercation et même violence verbale et gestuelle = collectif ou individuel avec support collectif | de repli vers fuite ou retrait (exit) = plutôt individuel |
En acceptation avec les exigences de l’école | de collaboration vers envahissement = individuel et avec support collectif | de distanciation soumise vers effacement = individuel |
Source : (Mangez et alii, 2002, 95-109 ; Montandon, Perrenoud, 1987 ; Poncelet [17], 2002)
L’analyse sociologique reconstruit ainsi une ‘rationalité’ socio-culturelle des comportements des familles issues des milieux défavorisés à partir du point de vue de ces familles. Pour les acteurs légitimes de l’école, sans décentration de leur propre point de vue, il est difficile de saisir cette rationalité socio-culturelle des postures des familles défavorisées car elles mobilisent un univers interprétatif qui se trouve être nettement différent voire à l’opposé de l’univers légitime des enseignants et des responsables du monde préscolaire et primaire. Les postures relationnelles décrites intègrent cette légitimité prédominante du monde scolaire puisque, tout en montrant la rationalité du comportement des familles défavorisées, elles les situent en fonction de la force de légitimité du monde scolaire, des exigences et des prérequis que le monde social et scolaire suppose acquis pour tous, sans néanmoins en fournir tous les moyens à chacune et chacun. Détaillons brièvement les postures et les stratégies que peuvent adopter des familles défavorisées. J’examinerai deux des quatre postures postures, l’une probablement conduit à l’illettrisme, l’autre permet – si les conditions en sont réunies – d’y faire face.
Désaccord passif, repli et fuite
Les personnes en forte difficulté d’apprentissage de base (lecture, écriture, calcul) sont parfois en désaccord avec l’école ou l’enseignant de leur enfant, mais elles émettent rarement des critiques et ne les expriment pas, en tout cas, devant les enseignants ou dans l’école. Elles les gardent pour eux ou entre personnes du même monde (reproduisant ainsi la coupure de défense traditionnelle du « nous-eux »). Ces critiques ne sont exprimées qu’en coulisse ou que devant le chercheur qui réactive la critique en demandant des commentaires. Le repli peut être une conduite d’évitement afin de ne pas se sentir menacé par le jugement d’autrui qui – puisqu’on ne maîtrise pas les tenants et les aboutissants de la situation scolaire à gérer – risque de faire perdre la face et d’induire la honte. Mais le repli comme le déni de la situation vécue et des verdicts prononcés par l’école peuvent aussi être une conduite stratégique induite par l’évitement des effets de la situation et des verdicts sur la réputation et sur le traitement de soi dans l’école.
Développons quelque peu cette attitude qui est sous-tend le processus produisant et accompagnant l’illettrisme. Dans le domaine des inégalités culturelles, comme le font remarquer divers auteurs (sociologues et psychologues sociaux), la légitimation et l’individualisation des inégalités peuvent induire une conscience subjective honteuse et culpabilisante. « C’est parce que les transformations des mécanismes de formation des inégalités individualisent les inégalités, que les inégalités conduisent à la perte d’estime de soi et à la conscience malheureuse. La méritocratie scolaire peut être un principe libérateur, il n’empêche qu’elle légitime les inégalités puisqu’elle en attribue la responsabilité aux victimes elles-mêmes »… « Les élèves ne sont plus sélectionnés à l’entrée et en amont du système, mais ils le sont dans le cours même de leurs études en fonction de leurs seules performances », (Dubet, 2000 et 2004 :49-53 ; Dubet, 2004).
On voit donc que la production de la perception de l’inégalité culturelle et la dé-nomination des épreuves qui la créent, mettent en concurrence plusieurs interprétations subjectives sensées puisuqe reliées à des idéologies leur conférant de la plausibilité. Cela pose la question des concurrences entre les diverses légitimations et légitimités qui donnent ‘sens’ aux épreuves liées à la recherche de l’égalité et aux échecs ou réussites qui s’en suivent.
Sur le plan individuel, cela produit, dans le cas de l’illettrisme, la stigmatisation. Celle-ci produit d’une part, aux yeux des autres, une baisse de la valeur anthropologique culturelle de l’individu considéré souvent dans sa totalité et non pas dans un domaine cloisonné de son existence. Celle-ci produit également d’autre part, dans l’individu, un processus significatif soit de baisse de l’estime de soi ; soit des stratégies de préservation de l’estime de soi [18]. Les conséquences en sont la possibilité d’un processus de disqualification culturelle, sociale et économique…qui, paradoxalement, provient de stratégies de protection mal adaptées à la situation objective que l’individu devra affronter. D. Martinot (2008 :284-288) décrit de façon croissante les stratégies de protection de soi qui risquent d’avoir des conséquences graves sur la scolarité et l’apprentissage. Citons-les [19] :
- Ne pas juger pertinent de se comparer à bien meilleur que soi et ce, afin d’éviter des comparaisons ascendantes douloureuses pour l’estime de soi.
- Se comparer plutôt à des personnes qui ont moins bien réussi que soi, en parvenant par des comparaisons descendantes, à se protéger et à juger qu’il ne faut pas ou plus faire des efforts.
- Rejeter, sur d’autres ou sur le système, la responsabilité de son échec et de ses difficultés c’est-à-dire effectuer un biais d’auto-complaisance contraire à la norme d’attribution interne [20] de la société actuelle.
- S’auto-handicaper en diminuant ses propres efforts : l’individu anticipe ses difficultés et son échec en se décourageant de continuer ses efforts. Ainsi, l’individu échoue car il n’a pas fait d’efforts et non pas par un manque d’intelligence, ce qui le diminuerait à ses propres yeux. Être paresseux peut éventuellement être mieux perçu que de se percevoir comme n’étant pas intelligent.
- Ne plus accorder d’importance à certaines matières ou à l’école dans son ensemble : l’individu déconsidère à long terme tous les domaines qui sont menaçants pour son estime positive de soi.
Par ces différentes attitudes, la personne renonce à faire des efforts et à affronter progressivement, y compris par appel à l’aide, la situation donnée. Cela va la conduire dans une spirale de l’échec.
De la résistance passive à la prise en charge collective et individuelle de façon solidaire et coopérative
Pour mettre en actes et en paroles un désaccord ou une opposition de façon active, la famille défavorisée, les enfants et les personnes en voie d’illettrisme, afin d’affirmer leur identité, n’utilisent que rarement l’affrontement en critiquant ouvertement les enseignants et l’école qui, selon eux, ne font pas tout ce qu’il faut, voire leur en veulent. Toutes ces critiques sont propres à l’éthos domestique des parents qui est souvent leur seule ressource mobilisable dans les situations scolaires dont ils ne connaissent pas, ni ne maîtrisent les codes culturels spécifiques. En outre, les parents de familles défavorisées pratiquent peu ou pas (sauf exception) la négociation avec l’école, négociation qui demande l’utilisation intensive de la parole argumentée sur le terrain même des enseignants et des exigences de l’école. Cette parole argumentée adéquate et légitime exige une compétence spécifique que sauf exception [21], les parents de familles défavorisées ne maîtrisent pas ou guère par eux-mêmes vu les ressources limitées de leur trajectoire en ce domaine culturel et scolaire.
Des stratégies permettant de faire face aux interactions et au système produisant de l’illettrisme, ne savent pas être pour des familles et des individus confrontés à cette situation, des stratégies de source purement individuelle. Ces stratégies nécessitent un transfert durable de moyens sociaux et culturels pour briser la honte, reprendre confiance et regagner de l’estime de soi dans un processus progressif. Bref, pour fabriquer et acquérir des stratégies pertinentes, cela nécessite que les familles défavorisées et menacées par l’illettrisme, soient supportées et/ou participent à un mouvement qui construit (malgré les brisures) avec l’individu et les familles et de façon exigeante (c’est à dire en affrontant les difficultés individuelles de l’apprentissage), une estime, une confiance en ses capacités. Ce mouvement socio-culturel doit parvenir à construire, grâce à une action soutenante et exigeante, une prise en charge de soi par soi, par l’intermédiaire de la coopération avec les autres et en s’appuyant sur l’appui lucide d’une association. Lire et Écrire constitue un mouvement qui remplit ces diverses fonctions. Le processus progressif d’apprentissage, d’estime de soi et de confiance en soi (auto-efficacité) nécessite un travail social, culturel et pédagogique complexe. La personne engagée dans ce processus doit élaborer dans cette relation d’apprentissage individuel et de soutien collectif, un équilibre entre des attributions internes des efforts à effectuer face aux difficultés afin, dans le soutien social continu venant des autres et de l’organisation (en l’occurrence Lire et Écrire), d’augmenter ses motivations. Dans le même temps, les attributions externes doivent davantage et prioritairement servir à ne pas se culpabiliser du passé et non à justifier les difficultés actuelles de l’apprentissage. Comme le montre D. Martinot, (2008 ; 2005) « augmenter l’estime de soi des élèves en difficulté indépendamment de leurs résultats, et ce, pour leur donner confiance en eux (donc en voulant bien faire), reviendrait à supprimer leur motivation (à travailler et à faire des efforts). Dès lors, ces élèves réduiront leurs efforts, handicapant leurs apprentissages et, par conséquent, diminuant leurs performances scolaires » (Martinot, 2008 :285-286). Dans le même temps, le mouvement doit préserver et promouvoir la valeur anthropologique de la personne afin que, comme le soulignent Toczek et Martinot (2005), que la personne elle-même et les autres individus ainsi que les enseignants ne lient pas la performance actuelle de l’individu à une définition intrinsèque et définitive de la mesure de l’intelligence de l’individu concerné (Martinot (2008 :288).
Collaboration ‘domestique’ ou ‘savante’ avec l’école et collaboration apprenante [22]
La collaboration savante est, pour les familles défavorisées, sauf sous certaines conditions, la moins fréquemment observée. Lorsque les parents donnent un coup de main pour les fêtes ou pour repeindre les salles de classe, ils se sentent reconnus et acceptés. Cependant cette collaboration domestique se situe hors de terrain pédagogique et scolaire. Elle ne modifie pas leur rapport au savoir préscolaire et scolaire, même si cette collaboration facilite les contacts et structure la relation. Seules exceptions, quelques parents appartenant à des milieux défavorisés participent à des mouvements culturels, à des associations de parents d’élèves. Dans ces activités culturelles, ces parents découvrent la créativité et la logique selon laquelle on peut apprendre de façon plaisante, en créant. Grâce à cela, comme beaucoup de parents de classe moyenne, ils peuvent dialoguer avec les enseignants, saisir la logique du préscolaire et la transférer dans des pratiques éducatives propres par une collaboration apprenante. Cela peut avoir des effets positifs sur le mode d’apprentissage de l’enfant notamment en transformant leur rapport au savoir scolaire et à son mode spécifique d’apprentissage.
Distanciation soumise ou acceptation respectueuse
Ces parents, d’une certaine manière, s’en remettent à l’école et aux enseignants qui ‘savent’, mieux que quiconque et mieux qu’eux, ce qui est bon pour l’enfant sur le plan scolaire. Ils se sentent incompétents et ne saisissent pas la logique propre à la culture de l’apprentissage scolaire préscolaire et primaire. Ils font confiance eaux enseignants et leur délèguent complètement cette mission. Cette posture peut produire des effets positifs sur les apprenants (enfants) des familles défavorisées, si la pédagogie et la relation à l’école et aux enseignants est appréhendée par les enfants car l’école leur apprend aussi les prérequis. Mais cela peut également induire qu’ils accepteront l’éventuelle relégation comme inévitable et liée au destin social qui est le leur (et c’est le cas le plus fréquent puisque le taux d’échecs est très important pour les familles défa-va-lorisées).
III. A propos des fonctions des inégalités culturelles dans une société de connaissances.
On le sait : 20% des élèves quittent l’école sans un diplôme d’enseignement secondaire supérieur. Ils proviennent essentiellement de familles marquées par de multiples inégalités. A peu près 50% des élèves connaissent au moins un échec dans leur parcours scolaire pendant l’enseignement obligatoire et la proportion des échecs augmente en fonction de la catégorie socio-professionnelle mesurée par le niveau des études (Groenez, 2004 ; Dupriez, Vandenberghe, 2004 ; Vandenberghe, 2002, 2004). Parmi les chômeurs complets indemnisés wallons, en juillet 2008, 52,50% (dont 25,5% n’avaient pas plus que le diplôme d’école primaire ou du secondaire de base) d’entre eux n’avaient pas plus que le diplôme de secondaire 2e degré (Forem, AMEF, 2008 :32). Enfin, comme le montre le recoupement de plusieurs enquêtes, on peut estimer « qu’une personne sur dix est en grande difficulté face à l’écrit en Communauté française » (Service de la Recherche…, 2008 :1). Vu ces faits, la question se pose donc de savoir comment (par quels processus sociologiques) et pourquoi (quelles en sont les fonctions sociétales) un tel nombre de personnes peuvent être en situation d’inégalités culturelles marquées et incapacitantes (en termes de performances individuelles vis-à-vis d’elles-mêmes ainsi qu’ à l’égard des demandes socio-économiques liées à l’obtention d’un emploi et d’une position dans la société) alors que, dans le même temps, l’Union Européenne a comme objectif de construire une société et une économie de « connaissances ».
Plusieurs hypothèses peuvent être faites à ce propos. Nous en présentons, brièvement, trois qui ne sont pas mutuellement exclusives mais peuvent se compléter. La première hypothèse est systémique et fonctionnelle, c’est celle de la réserve de main d’œuvre. La deuxième est actionnaliste-stratégique et repose sur la défense des intérêts des divers groupes (ou classes) sociaux au plan culturel, social et économique. La troisième s’appuie sur les théories d’une part, de la reproduction culturelle et sociale, notamment celle de la transmission d’un héritage culturel et social qui est sans valeur sociale reconnue et d’autre part, de la reproduction des dispositions et des valeurs implicites orientant les attitudes et les comportements liées à la précarité culturelle. Les différences entre les trois hypothèses sont les suivantes. La première suppose que le fonctionnement du système dépend d’un acteur unique dominateur omnipotent ; la deuxième suppose que la logique sociale du système dépend de manière hiérarchisée de tous les acteurs qu’il s’agisse des individus, des groupes, des organisations et des institutions tandis que la troisième présuppose un cercle autoreproducteur des cultures de pauvreté et une incapacité du changement qualitatif. Explicitons quelque peu ces trois hypothèses.
Première hypothèse : réserve de main d’œuvre, surnuméraires et déstabilisation du salariat
On pourrait supposer avec plusieurs auteurs (Castel, 1995 ; 2003) que dans le cadre de la déstabilisation du régime salarial fordiste caractérisé par un salaire sous contrat à durée indéterminée et une protection sociale solide et durable, la restructuration du capitalisme (notamment financier surtout de court terme qui est dominant sur le capitalisme industriel des biens et des services) aurait besoin à la fois (a) d’une réserve de main d’œuvre de faible qualification (mais dont le coût total en pays d’Europe occidentale reste significatif) voire de qualification non utilisable (notion de surnuméraires ou d’inutiles au monde de Castel) et (b) d’une immigration contrôlée de moyenne et haute qualification, ces deux éléments effectuent alors une pression à la baisse sur le niveau des exigences des salariés et sur la répartition des gains entre capital et masse salariale (directe et indirecte). Cependant, ce mode de fonctionnement peut entrer partiellement en conflit avec les groupes innovateurs du système socio-économique qui sont demandeurs d’une hausse générale des qualifications pour maintenir le leadership de leurs entreprises en innovation de services et de biens et en gains de productivité.
Deuxième hypothèse : une société de compétition et d’attribution du malheur social aux perdants
Dans l’action de compétition entre les classes et les groupes sociaux pour s’approprier des avantages comparatifs au plan économique, culturel et social, surtout en situation de croissance faible et de la mise en œuvre d’un processus de privatisation des dépenses d’éducation et de sécurité sociale, ce sont les groupes qui ne disposent que de faibles moyens d’action qui vont perdre le plus rapidement leur qualification culturelle évaluée en fonction des exigences du quasi-marché scolaire et du marché de l’emploi. Ils connaîtront donc probablement un parcours de déqualification durable. Comme chaque groupe considère son avantage comparatif, que la solidarité institutionnelle diminue, que l’individualisme calculateur-rationnel augmente, que la formation tout au long de la vie est surtout utilisée par les individus ayant une forte formation initiale, un grand groupe social aux marges du marché et de la société se constitue. La position sociale de cette classe « objective » aux marges est produite non par un acteur omnipotent mais par l’action du ‘chacun pour soi’ de tous les groupes sociaux qui ne sont pas au bas de la hiérarchie et veulent éviter d’y être. La logique du rapport de force est de ne pas être ce groupe de la dernière marche de la hiérarchie, c’est-à-dire le groupe aux marges du bas de la hiérarchie sociale et culturelle donc le groupe exclu. Comme le fait remarquer Terrail (2008:3) « socialement, le maintien des choses en l’état peut faire l’objet d’un consensus tacite entre les classes dominantes et les classes moyennes, qui tirent plus ou moins leur épingle du jeu. Même si elles représentent près des deux tiers de la population active, les classes populaires (c.à.d. chômeurs, précaires, ouvriers et employés non qualifiés, etc… [23]) qui auraient, elles, intérêt à changer les règles du jeu, se sentent beaucoup moins autorisées à intervenir ».
Troisième hypothèse : la reproduction de la précarité
Lorsqu’un groupe social est durablement dans une situation d’inégalités multiples et diversifiées ainsi que dans une position sociale privée de moyens significatifs d’action, une culture de la précarité et de la pauvreté socio-culturelle se structure, s’entretient et développe un processus récurrent de socialisation à la précarité et à la non-maîtrise culturelle minimale des exigences liées à une position de qualification sur le quasi marché scolaire et sur le marché de l’emploi. La reproduction de la pauvreté devient alors un processus structurel de cette société qui peut d’une certaine manière s’autoentretenir à partir de la culture de celles et ceux qui sont alors stigmatisés en tant que « assistés perpétuels ».
Articulation des trois hypothèses
Ces trois hypothèses peuvent être reliées entre elles. La plus plausible parce qu’elle montre la dynamique et la complexité des rapports sociaux et qu’il en découle un regard lucide sur les difficultés d’inventer et de construire les chemins pour agir avec pertinence, est la deuxième hypothèse. Prendre au sérieux cette deuxième hypothèse conduit à exiger la mobilisation de tous les acteurs de la société afin d’agir en profondeur et dans la durée longue. En effet, pour diminuer l’illettrisme, outre l’investissement propre des personnes concernées, chaque groupe social devra accepter une priorité première : hiérarchiser ses revendications en les soumettant au rétablissement des droits et de la dignité culturelle des individus les plus marqués par les inégalités, tandis que ceux-ci devront également entrer dans une logique de réciprocité entre leurs droits et leurs devoirs mais en étant pourvus effectivement des moyens nécessaires pour y parvenir. Cependant, dans le rapport de force politique et social, il sera également nécessaire d’octroyer des moyens financiers et humains afin de faire face à ces inégalités marquantes. C’est pourquoi, la taxation juste des revenus financiers et une action afin de modifier les comportements des individus des classes dominantes (hypothèse 1) seront indispensables. Enfin, un processus de changement de la culture liée à la précarité culturelle et économique des personnes des classes marquées par les inégalités sera long et complexe car la vie dans une position dominée s’inscrit durablement car les attitudes et comportements intériorisés dans l’enfance, deviennent une ‘seconde nature’, c’est-à-dire un ‘ça va de soi’ (hypothèse 3).
Conclusion
Dans la société actuelle, vu le poids du capital culturel, l’acquisition reconnue et effective des compétences culturelles et sociales est la première priorité que doivent maîtriser les individus sans aucune distinction d’origine, de race, de religion, de genre ou d’âge. Cette compétence culturelle et scolaire (c.à.d. dans les pays de l’UE obtenir au moins le secondaire supérieur) s’atteint par une logique double : d’une part, un investissement durable de chaque individu (apprenant, formateur, famille, etc…) et collectif (organisation, institution,…) et d’autre part, une logique comparative afin de rechercher, par l’émulation régulée, la progression et le pluralisme dans l’excellence ( c.à.d. des profils pluriels définissant et reconnaissant plusieurs types d’excellence).
Cette logique double doit en même temps affronter les inégalités existantes, en limiter la permanence, les réduire et enfin les surmonter. En conséquence, l’articulation entre (a) l’investissement individuel et collectif, (b) l’émulation vers un pluralisme de l’excellence pour tous et chacun et (c) une action efficace contre les inégalités culturelles, rend nécessaire une pédagogie marquée par une coopération collective de soutien ET un niveau d’exigence individuelle élevé (cfr. la pédagogie institutionnelle).
Rendre possible ces divers éléments pour les personnes et les groupes concernés conduit à agir pour obtenir des moyens effectifs rectifiant la multidimensionnalité des inégalités et permettant de développer les capacités effectives (Fleurbaey, 2008) procurant une réelle autonomie des individus et des groupes défavorisés et ce, dans une réciprocité qui rend les humains interdépendants. Le travail et l’action seront longs et difficiles mais ils sont plus que jamais indispensables à la justice et à la dignité entre les humains.
Annexe 1 [24]. Quels sont les processus explicatifs producteurs des inégalités scolaires liées aux appartenances culturelles ?
Cette brève annexe vise à examiner quels sont les processus dont l’action conduit au fait qu’en Wallonie, les enfants dont la mère a acquis un diplôme de niveau d’enseignement secondaire inférieur ont cinq fois plus de chances de connaître l’échec en primaire que ceux dont la mère a obtenu un diplôme d’enseignement supérieur. Cette logique de sélection est encore plus nette si d’une part, on prend en considération les écarts extrêmes, c’est-à-dire les élèves dont la mère ne dispose que d’un diplôme d’enseignement primaire ou n’ont pas de diplôme et si d’autre part, on prenait en compte que l’orientation vers l’enseignement spécial et en 1re B accueil concerne majoritairement des enfants d’origine socio-culturelle défavorisée. Pour appréhender ces processus, seront plus particulièrement mobilisées, plusieurs recherches qui, à partir d’une même base théorique, ont réalisé l’analyse des stratégies éducatives et scolaires. Il s’agit des recherches de Liénard et Servais (1976), de Mangez, Joseph et Delvaux (2002) et de Vander Gucht (1998) portant sur les stratégies éducatives des familles ayant des enfants en âge de scolarité et, pour les deux premières, notamment en âge d’école maternelle. A ces recherches, s’ajoutent des éléments repris au travail imposant réalisé par l’équipe du professeur M. Crahay à partir de la recherche longitudinale « Grandir en l’an 2000 » (d’une durée de 20 ans) toujours en cours (Poncelet, 2002 ; Poncelet, Shillings, Straeten, Crahay, 2004).
Pour analyser les processus à l’œuvre dans les retards scolaires, on constate d’abord, sur base des données existantes (mais inexistantes en fonction des origines socio-culturelles) d’inscription [25] que la non-inscription en école maternelle ne constitue pas un facteur central de construction des retards scolaires dès la 1re et la 2e année primaire. Sur base d’autres recherches, si la non-inscription joue, c’est probablement uniquement pour une petite partie des classes supérieures et une partie du « quart-monde » des classes populaires (Mangez, Joseph, Delvaux, 2002, 1-7). Sur base de la littérature et des recherches (Bernstein, 1975 ; Chamboredon et Prévot, 1973 ), on en vient donc à examiner le processus qui met en relation d’une part, chaque milieu socio-culturel doté de sa culture, de son mode de vie et de son langage avec d’autre part, le milieu socio-culturel de l’enseignement et les exigences de la culture scolaire et de la vie scolaire (au sens large du terme « vie »). La question et l’hypothèse centrales sont en conséquence les suivantes : comment se produit le degré de distance ou de proximité entre d’un côté, la culture de chaque milieu et de l’autre côté, la culture ainsi que les exigences de l’école et quels en sont les effets ? Pour répondre à ces interrogations, doivent être décrites et comparées plusieurs composantes. Première composante : la culture de chaque milieu du double point de vue (a) des dispositions et capacités culturelles acquises dans ce milieu socio-culturel et (b) des demandes et attitudes de ce milieu à l’égard de l’école et des enseignants. Deuxième composante : la culture scolaire incluse dans les programmes et celle de l’établissement fréquenté, culture qui se décline également sous un double point de vue, (a) les dispositions requises et les exigences culturelles attendues par l’école de la part des élèves et des parents et (b) le type d’écoute, d’accueil de l’école face aux « demandes » socio-culturelles de tel ou de tel milieu dont elle dépend au moins partiellement pour son recrutement. Troisième composante : en fonction de chaque milieu socio-culturel, on effectue l’analyse de la relation entre les deux premières composantes, leur logique sociale de fonctionnement et les effets que cette relation induit.
A propos des exigences et des prérequis de la culture scolaire
La recherche de Mangez, Joseph et Delvaux (2002) [26] effectue cette analyse et apporte des éléments de réponse à cette question. A l’école maternelle et en début d’école primaire, cette relation « milieu-école » s’opère selon un jugement global qui porte sur toute la personnalité des enfants et des parents concernés. Ce jugement concerne des aspects tels que propreté, discipline, vêture, langage, nourriture, type de contacts, etc… et il englobe les aspects d’apprentissage propre à l’école maternelle et primaire tels que la latéralisation, la logique des grandeurs, la maîtrise des traits… et divers autres éléments préparatoires à la lecture, à l’écriture et au calcul.
L’analyse des exigences liées à la culture scolaire montre clairement quels sont les compétences et les prérequis attendus des parents vis-à-vis de leurs enfants qui fréquentent l’école. Distinguons la vie scolaire et la vie relationnelle.
Sur le plan touchant plus directement la vie scolaire et notamment les dispositions à l’apprentissage, l’école demande que surtout les parents, afin de s’y adonner complémentairement avec leurs enfants, saisissent le modèle pédagogique de l’école maternelle basé sur le mode du jeu-apprentissage, du jeu de langages et des formes dans lequel l’apprentissage n’est pas directement visible car la forme ‘jeu’ l’emporte sur la forme ‘exercice’. Ensuite sont privilégiés un rapport positif à l’écrit (expression écrite et lecture) et une culture de la parole argumentée et fonctionnelle dans les échanges en lieu et place d’emportements gestuels ou verbaux. Il en est de même en ce qui concerne la gestion des rythmes temporels qu’ils soient scolaires ou de vie quotidienne : la régularité, la ponctualité sont des attendus importants de la part de l’école vis-à-vis des parents.
Concernant la vie relationnelle, les valeurs de l’école orientent les attentes des enseignants sur l’aisance relationnelle des parents et des enfants dans les échanges avec les autres et notamment avec les supérieurs. Il en découle que la capacité pour les parents et les enfants de savoir se tenir à leur place, de se situer correctement face à d’autres milieux et dans l’espace social et culturel de l’école constitue un critère de référence.
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