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Les sessions sont animées par plusieurs personnes sous la coordination de Sylvie Brasseur qui elle-même anime l’atelier ISP et l’atelier informatique. Pour le permis de conduire, c’est une personne spécialisée qui vient donner cours pour la préparation de l’examen théorique, tandis que les cours pratiques sont suivis dans une autoécole, la plus proche possible du domicile des stagiaires.
— Quel est le public qui participe à « Permis d’oser » ?
— Nous travaillons avec un public alpha mais ce sont des personnes qui ont déjà un niveau de base en oral et en lecture-écriture. Ces personnes nous sont soit envoyées par le Forem, soit elles arrivent ici par un autre moyen, via le bouche à oreille ou la publicité notamment. Elles doivent être à l’aise à l’oral et se débrouiller avec la lecture-écriture, même si elles rencontrent par ailleurs encore des difficultés. Il arrive cependant que dans le groupe, sur 6-7 personnes qui participent au projet, il y ait une personne d’origine étrangère moins avancée à l’oral. Le fait que la plupart des stagiaires aient des prérequis en français nous permet d’aller plus loin et d’avancer plus vite que si elles étaient débutantes ou rencontraient encore des difficultés importantes. Nous avons en effet moins de quatre mois pour mettre ces personnes sur le chemin de la formation ou du travail.
— Outre le fait qu’il s’agit d’un public alpha, le projet a-t-il des spécificités particulières par rapport aux autres projets subventionnés par le Forem ?
— Oui, la spécificité du projet tient à la conjonction de trois aspects complémentaires, à savoir le permis de conduire (théorique et pratique), les TIC et le module « mobilisation socioprofessionnelle » d’un jour semaine. Dans ce module, nous partons de la personne, de ses compétences – qu’elle a souvent du mal à reconnaitre – avant de construire avec elle un projet qui correspond à ses souhaits et est adapté à ses réalités. Par ce module, nous témoignons de l’importance accordée au questionnement personnel, permettant d’appuyer les projets qui seront développés par chacun sur base d’une vraie connaissance de soi, de ses capacités et limites, plutôt que de tout de suite envisager une orientation socioprofessionnelle.
— Quelle est la part des nouvelles technologies dans cette formation ?
— Outre la part de travail réalisée sur ordinateur dans le module « mobilisation socioprofessionnelle », les stagiaires suivent un jour et demi à deux jours par semaine d’atelier informatique. Pour la fin de la formation, ils doivent réaliser un TFF (travail de fin de formation) : on leur demande de rédiger une évaluation personnelle de la formation et de mener une enquête dans le milieu professionnel au sein duquel ils souhaitent travailler ou pour lequel ils souhaitent se former. Ce qui les amène à choisir une orientation. Le TFF doit être réalisé et mis en page sur ordinateur ; il s’agit donc d’appliquer ce qui a été vu à l’atelier informatique. Par exemple : si on a vu comment placer un cadre, ils devront placer un cadre quelque part dans leur travail ; si on a vu comment insérer du texte en WordArt, cela devra se retrouver dans leur travail, dans le titre ou ailleurs… Ils savent aussi qu’il s’agit d’un travail à réaliser dans le cadre d’une formation et qu’ils ne peuvent donc pas produire quelque chose de trop fantaisiste. Ils doivent malgré tout faire preuve d’originalité, ce qui leur demande d’aller plus loin qu’une simple application de la mise en page de base…
Exemple de TFF dans la version PDF de cet article.
— Y a-t-il un niveau de compétence exigé en fin de formation ?
— Dans cette formation, l’informatique est un outil mais le but n’est pas de les former aux métiers des nouvelles technologies. Souvent dans le groupe, nous avons des personnes qui ont déjà utilisé un ordinateur et d’autres non. Mais la plupart du temps, c’est plutôt pour jouer à des jeux, pour aller regarder des vidéos sur YouTube ou pour participer à des réseaux sociaux… Il est plus rare que quelqu’un ait déjà travaillé sur un traitement de texte ou sache utiliser une messagerie électronique. De toute façon, même si certains ont déjà des prérequis, c’est souvent un leurre de croire qu’ils sont avancés. On recommence tout à zéro pour que les débutants puissent suivre. On voit la théorie, puis la pratique et on fait des exercices. Vers la moitié de la formation, ils commencent à travailler sur leur TFF. Dans un premier temps, ils se concentrent sur le contenu et font une mise en page « au kilomètre ». Ce n’est que dans un second temps qu’ils commencent la mise en page et qu’ils sont amenés à utiliser ce qu’ils ont appris au cours. Et quand ils quittent la formation, même s’ils ne connaissent pas toutes les fonctions de Word par exemple, ils savent utiliser les barres d’outils pour chercher ce dont ils ont besoin et ils n’ont plus peur de le faire !
— Quelle est votre part d’autonomie par rapport au Forem dans la conception et la mise en œuvre de ce projet ?
— C’est à Lire et Écrire Brabant wallon que le contenu de la formation a été élaboré. Il a ensuite été inscrit dans un appel à projet. L’exigence du Forem porte sur la « plus-value » de compétences acquises par chaque participant en termes de mobilisation socioprofessionnelle. Cela signifie qu’en fin de formation, des résultats doivent être obtenus et matérialisés soit par l’obtention du permis de conduire théorique ou permis pratique provisoire, soit par l’entrée dans une autre formation, soit par la mise à l’emploi. L’important est qu’en sortant d’ici les stagiaires aient conscience de leurs compétences, qu’ils se disent « je suis capable de » et se sentent prêts à négocier leur future orientation professionnelle avec le Forem, qui souvent fait pression pour une rapide remise à l’emploi. Dans les faits, nous allons plus loin que ce qui est nécessaire pour rédiger un CV. Nous suivons l’adage qui dit que « qui peut le plus peut le moins ». Nous pensons que s’ils sont capables de rédiger et de mettre en page un document comme le TFF, ils seront capables de rédiger non seulement un CV, mais aussi d’autres documents.
— Qu’attendent les personnes qui s’inscrivent aux sessions « Permis d’oser » ?
— C’est clair que dans la demande de départ, il y a un attrait important pour le permis de conduire. Dans un premier temps, nous recevons les candidats en entretien individuel pour cerner leurs motivations. Si nous constatons que leur motivation est uniquement le permis de conduire, nous les réorientons. Il existe des associations qui proposent une préparation à l’examen pratique destinée aux personnes ayant besoin du permis pour obtenir ou maintenir un emploi. C’est par contre plus difficile pour le permis théorique car il n’existe pas grand-chose, et pour ainsi dire rien, comme accompagnement à sa préparation en dehors du circuit commercial.
L’association de trois types de contenus – mobilisation socioprofessionnelle, permis de conduire et informatique – est très motivante pour les stagiaires. Une fois le permis obtenu, il est pour nous essentiel de maintenir la motivation pour les deux autres aspects de la formation : l’initiation aux TIC – qui aujourd’hui sont quasi incontournables – et, plus généralement, la participation à toute la dynamique de mise en projet.
— Comment les cours sont-ils organisés ?
— Les personnes qui participent à « Permis d’oser » ont entre 8 et 10 heures de formation et de travail sur PC par semaine (sur un total de 22h). Comme je l’ai dit, le but n’est pas de faire de l’informatique pour l’informatique. Il y a d’abord tout un travail pour démystifier l’ordinateur, pour faire en sorte que les gens n’aient plus peur de l’outil, de la machine et se sentent à l’aise pour l’utiliser. Il faut aussi briser le préjugé, qui existe chez certains, selon lequel l’ordinateur est réservé aux gens qui savent lire et écrire, à ceux qui sont instruits. Et bien sûr, il faut être attentif aux demandes de l’apprenant. Mais quatre mois c’est trop court pour réaliser une véritable « éducation » au multimédia. Il faudrait non seulement leur apprendre à utiliser un ordinateur et à s’orienter sur internet (consulter des sites, utiliser les réseaux sociaux,…), mais aussi les sensibiliser aux dangers d’internet (comment activer le contrôle parental par exemple) et, plus largement, ouvrir un débat, une réflexion sur les enjeux actuels des technologies de l’information et de la communication. Ces sujets ne peuvent qu’être ébauchés dans le cadre de cette formation car nous manquons de temps pour aborder tout cela de manière plus approfondie.
— Quel bilan fais-tu maintenant que tu as animé plusieurs sessions ?
— D’abord nous constatons que nous arrivons à satisfaire aux exigences du Forem. Nous obtenons en effet de très bons résultats : nous avons 10 % d’insertion professionnelle, 10 % d’insertion dans une formation, 99 % de réussite du permis théorique, 50 % pour le permis pratique et 60 % ont acquis de réelles compétences dans le recours à internet pour la recherche d’emploi.
Mais pour réduire la fracture numérique, il faudrait aussi ne pas devoir se limiter à l’ordinateur et élargir à toutes les autres nouvelles technologies (le GSM, l’appareil photo, la caméra numérique…), ainsi qu’à l’ensemble du matériel qui permet d’être autonome dans la vie quotidienne comme le Bancontact, les bornes d’achat de tickets de train ou de métro, etc. Les pistes sont infinies mais pour cela, il faut une volonté des pouvoirs publics et des associations d’investir dans le multimédia, y compris pour les publics qui en sont les plus éloignés au départ, ce qui n’est pas encore toujours le cas…
— Une nouvelle session va-t-elle commencer prochainement ?
— Le 5e module a commencé en septembre dernier et ce sera malheureusement le dernier. Nous avions une convention pour trois ans avec le Forem mais elle ne sera pas renouvelée car les nouveaux appels à projets (sessions de maximum trois mois avec une durée totale d’un an, montant des budgets non connus,…) ne nous permettent plus de mener ce type de projet dans de bonnes conditions.
Propos rapportés par Sylvie-Anne Goffinet,
Lire et Écrire Communauté française.