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Numérique, mon amour… : les analphabètes perdent des droits mais gardent l’humour

Communiqué de presse

Pour sa campagne 2023, Lire et Écrire part en tournée. Le temps d’une saison, les apprenantes des différentes régionales deviennent acteurrices et racontent dans un spectacle – monté avec des comédiens du Tof Théâtre – les dérives d’une société hyper digitalisée qui les ignore et les rejette.

C’est quoi le pitch ?

Au départ, il y a un drôle de bourgmestre et une drôle de machine. La machine, c’est « la QQR ID ». Et avec elle, la promesse de lendemains qui chantent. En ce jour d’inauguration, le bourgmestre se veut confiant. Grâce à ce nouveau guichet, tous les services de la ville seront désormais accessibles en un seul clic. Le discours est convaincant, mais quand le premier citoyen, pas trop lettré et un rien foutraque, se lance, la démonstration part vite en dérapage… non contrôlé.

Comment le spectacle s’est-il construit ?

Pour investir l’espace public et donner la parole aux personnes qui fréquentent ses centres de formation, Lire et Écrire a sollicité le Tof Théâtre, compagnie spécialisée en art de la marionnette. Dans la conception de ce projet, l’écriture a été collective et s’est basée sur des situations vécues et jouées avec les apprenantes. Ces journées de rencontres préparatoires ont réuni une soixantaine de personnes de tout âge et de toute origine qui ont raconté leurs déboires quotidiens face aux ordinateurs et services en ligne. La mise en scène imaginée par le Tof Théâtre donne force et émotion à ces paroles. Il s’agit ici d’inventer de nouvelles collaborations qui vont replacer la marionnette, art populaire par excellence, au centre de l’espace public, c’est-à-dire de l’espace du débat, l’endroit où se fabrique l’opinion publique.

Car la campagne de Lire et Écrire est née de ce besoin, le besoin des hommes et des femmes qui fréquentent nos centres de formation d’être enfin entendus. Cela fait quatre années qu’ils le demandent, mais sans obtenir d’avancées importantes sur un dossier qui les met régulièrement K.O. Alors, avec l’aide d’une marionnette, « Les oubliés du numérique » ont décidé de porter le débat au sein de l’agora et de dire bien fort leur refus de se soumettre au dictat de cette technologie absurde. Leur tournée passera par 8 villes différentes et sera déclinée en 12 représentations, histoire de bien imprégner les esprits et de rallier un maximum de spectateurrices à leur cause.

Et c’est si important ?

Des hommes et des femmes ne peuvent plus prendre un rendez-vous médical, payer leurs factures, renouveler leur abonnement de transport ou remplir leur feuille d’impôt. Pour les personnes qui jouent dans ce spectacle (plus d’une centaine) et qui ont comme point commun d’avoir des difficultés de lecture et d’écriture, soit 1 adulte sur 10 en Belgique, la situation est intenable. Comme les usages numériques sont largement liés à une maitrise de l’écrit, elles sont, plus encore, impactées par ces transformations numériques et les inégalités sociales qu’elles induisent. Nous parlons ici d’un enjeu démocratique majeur : la perte de leurs droits ou du renoncement à les obtenir.

Lire et Écrire porte prioritairement cette question à l’attention du grand public et des élues en insistant sur la responsabilité politique de l’État de rendre ses services accessibles via différents canaux et d’imposer des normes du même type aux services privés d’intérêt général.

Dans la pratique, certaines alternatives existent mais sont presque inaccessibles : guichets éloignés et ouverts quelques heures par semaine, uniquement disponibles sous rendez-vous (qu’il faut prendre en ligne, d’ailleurs). Ou des services téléphoniques totalement saturés. Ou encore le canal papier, qui suppose des surcouts et des délais de pénalité.

Et même si ces derniers mois ont connu quelques avancées [1], disons-le clairement, nos demandes pour une meilleure prise en compte de ces difficultés sont rarement à la hauteur des besoins et des droits des populations faibles utilisatrices des nouvelles technologies (soit presque une personne sur deux en Belgique, selon le dernier baromètre de la Fondation Roi Baudouin). Alors, avec la puissance de l’arme théâtrale, nous disons non à la seule alternative des services en ligne. Ce qui manque et doit être rétabli : des guichets ouverts, avec de vraies personnes pour accompagner le public ou des permanences téléphoniques qui ne sont pas des robots.

Et comme dit le final de la chanson de notre spectacle :

Vous supprimez des guichets
Et ça ne nous convient pas !
Fini de rester muets
On se battra pour ça !

Des informations plus détaillées sur l’agenda de cette tournée se trouvent sur notre page de campagne.

Contact presse

Lire et Écrire Communauté française – Cécilia Locmant – 02 502 72 010474 33 85 60cecilia.locmant@lire-et-ecrire.be


[1Il s’agit notamment de l’avis d’Unia sur le caractère discriminant des services en ligne pour les personnes analphabètes ; des actions d’interpellation et de mobilisation contre l’ordonnance « Bruxelles numérique » ; et de la décision de la Cour constitutionnelle reconnaissant le caractère discriminant du Code de nationalité pour les personnes analphabètes.