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Journal de l’alpha 216 (1er trimestre 2020) : Regards croisés

Une formation mixte (ex-)apprenants-travailleurs

Ce numéro du Journal de l’alpha est entièrement consacré au projet Regards croisés, qui a la particularité de mobiliser, dans un même dispositif d’apprentissage, des personnes en difficulté avec l’écrit et des professionnels partageant un même intérêt à mieux comprendre certaines problématiques sociales impactant les personnes en situation d’illettrisme.

C’est la dernière de ces formations, qui s’est déroulée en 2017 et 2018 sur le thème de l’école, qui fait plus particulièrement l’objet de ce numéro.

Au fil des pages, c’est un voyage dans la formation qui vous est proposé : des principes de base aux méthodes et outils, des savoirs construits aux effets pour les participantes, en passant par l’organisation concrète de la formation. Et ce, non sous forme de « kit pédagogique prêt à l’emploi », mais de présentation d’un processus méthodologique engageant et exigeant pour toutes, animatrices comme participantes.

En parallèle, c’est aussi un récit qui vous est donné à lire : l’histoire singulière d’un groupe et des personnes qui le constituent.

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Sommaire

  • Édito (en ligne)
    Sylvie Pinchart, directrice – Lire et Écrire Communauté française
  • Chapitre 1. Les principes de Regards croisés
    Cécile Bulens – Lire et Écrire Communauté française
    Christelle Haïm, Chantal Vigne et Yves Huysmans
  • Chapitre 2. Vivre une formation ensemble en résidentiel
    • Pourquoi se former en résidentiel ?
      Aurélie Audemar et Cécile Bulens – Lire et Écrire Communauté française
    • Vivre Regards croisés
      Isabelle Vast, Nathalie Bernard, Roland Canivez, Francis Vanderstappen, Fabian Delchambre, Sébastien Ledant, Parfaite Mignozon, Cloé Haïm, Aurélie Audemar, Christelle Haïm et Charlotte Faure
  • Chapitre 3. Méthode et outils
    • Des pratiques d’éducation populaire
      Aurélie Audemar – Lire et Écrire Communauté française
      Charlotte Faure, Julie Carlier, Christine Louis, Claire Monville, Sébastien Ledant, Nathalie Bernard, Isabelle Vast et Jean-Pierre Coenen
    • Vivre la méthodologie de Regards croisés
      Retour de Yolande Boulanger, accompagnatrice pédagogique et méthodologique, et Nathalie Rozza, formatrice en charge de l’accueil – Lire et Écrire Centre-Mons-Borinage
      Propos recueillis par Sylvie-Anne Goffinet – Lire et Écrire Communauté française
  • Chapitre 4. Comment ça s’organise
    Cécile Bulens – Lire et Écrire Communauté française
  • Chapitre 5. Les savoirs
    • Nos savoirs mis en Roue
      Le collectif des participants
    • Nos savoirs en récits
      Sébastien Ledant, Josiane Gossiaux, Aurélie Audemar, Philippe Draperi, Parfaite Mignozon, Francis Vanderstappen, Claire Monville, Yves Huysmans, Christine Louis, Cécile Bulens, Chantal Vigne, Fabian Delchambre, Nathalie Bernard, Chantal Lendormy, Charlotte Faure et Roland Canivez
    • Le droit à l’éducation sous forme de contes
      Charlotte Faure, Christine Louis, Chantal Vigne, Parfaite Mignozon, Yves Huysmans, Cécile Bulens, Aurélie Audemar, Philippe Draperi, Roland Canivez, Sébastien Ledant, Cloé Haïm, Francis Vanderstappen, Fabian Delchambre, Nathalie Bernard et Pascale Lassablière
  • Chapitre 6. Les effets de Regards croisés
    • Oser prendre sa place
      Philippe Draperi, Monique Outers et Josiane Gossiaux
    • Regards croisés fait agir
      Parfaite Mignozon, Francis Vanderstappen, Christine Louis et Sweeka Cheemungtoo
    • Effets sur les pratiques professionnelles
      • Interview de Julie Carlier, institutrice à l’école fondamentale Émile André (quartier des Marolles, Bruxelles)
        Propos recueillis par Aurélie Audemar
      • Interview de Jean-Pierre Coenen, instituteur et président de la Ligue des Droits de l’Enfant
        Propos recueillis par Cécile Bulens – Lire et Écrire Communauté française
      • Interview de Yolande Boulanger, accompagnatrice pédagogique et méthodologique, et Nathalie Rozza, formatrice en charge de l’accueil – Lire et Écrire Centre-Mons-Borinage
        Propos recueillis par Sylvie-Anne Goffinet – Lire et Écrire Communauté française
    • Regards croisés transforme
      Josiane Gossiaux, Sébastien Ledant, Nathalie Bernard, Philippe Draperi, Chantal Vigne, Isabelle Vast, Christelle Haïm, Aurélie Audemar, Monique Outers, Cécile Bulens, Parfaite Mignozon, Sweeka Cheemungtoo, Chantal Lendormy, Charlotte Faure et Yves Huysmans
  • Chapitre 7. Lettre aux décideurs
    Le collectif des participants

Édito

Par Sylvie Pinchart, directrice de Lire et Écrire Communauté française.

Ce numéro est entièrement consacré au projet Regards croisés qui a la particularité de mobiliser, dans un même dispositif d’apprentissage, des personnes en difficulté avec l’écrit et des professionnels partageant un même intérêt à mieux comprendre certaines problématiques sociales impactant les personnes en situation d’illettrisme. L’expérience qui vous est présentée ici a été conçue et animée durant trois ans par Cécile Bulens et Aurélie Audemar sur le thème de l’école. Le travail de rédaction s’est fait à « plusieurs mains », invitant les participantes qui le souhaitaient à s’y impliquer au cours de six jours d’écriture, appuyés par Pascale Lassablière des Ateliers Mots’Art.

Pour Lire et Écrire, organiser des projets (de formation, de recherche, d’action…) « en mixité apprenants-professionnels » est une des modalités d’action que nous expérimentons depuis plusieurs années et sur différents terrains [1]. Lutter contre la persistance de l’illettrisme, agir sur ses causes et ses conséquences est un projet porté par de nombreux acteurs, professionnels et non professionnels. Il y a une réelle plus-value à « faire des choses ensemble », en termes de solidarité bien sûr, mais aussi d’énergie, de créativité, de compréhension fine de l’illettrisme, de l’analphabétisme et des processus d’émancipation individuelle et collective.

Ainsi, en 2013, nous avons décidé d’ouvrir largement, à toute personne intéressée, un espace de formation – en résidentiel ! – que nous menions jusque-là à l’interne de Lire et Écrire. La première édition portait sur l’analphabétisme dans le monde. Ensuite se sont succédés les thèmes de l’école, de l’emploi, et à nouveau l’école, dernier en date et objet de ce numéro. Au fil des différentes formations, le dispositif a évolué mais, à chaque fois, nous avons eu assez de « volontaires téméraires et curieux » pour s’embarquer dans le pari qu’il est possible d’apprendre ensemble, que l’on soit professionnel ou non, que l’on ait ou non une expérience vécue de l’analphabétisme. Les expériences de réussite, d’échec, de relégation scolaire ou d’absence de toute scolarité ne construisent pas les mêmes savoirs sur l’école… et c’est bien là l’intérêt de croiser les regards.

Au fil des pages, c’est un voyage dans la formation qui vous est proposé : des principes de base aux méthodes et outils, des savoirs construits aux effets pour les participantes, en passant par l’organisation concrète de la formation. Il ne s’agit cependant pas d’un « kit pédagogique prêt à l’emploi » mais de la description d’un processus méthodologique engageant et exigeant, tant pour les animatrices que pour les participantes. Entre l’intention de la coconstruction de savoirs dans des rapports égalitaires et la réalité de la formation, de nombreux écueils peuvent se présenter. En effet, savoirs et pouvoirs sont intimement liés. Ces liens sont construits dans une imbrication entre trajectoires individuelles, familiales et sociales marquées par un fonctionnement social inégalitaire. Il convient donc de mettre en place des dispositifs qui permettent d’en prendre conscience, de les comprendre et de les recomposer autrement.

En parallèle de la présentation du processus, c’est aussi un récit qui vous est donné à lire : l’histoire singulière d’un groupe et des personnes qui le constituent.

Au-delà de l’espace interne, l’entresoi de la formation, les participantes ont voulu agir, créer et communiquer à l’extérieur. Nous avons accompagné cette démarche. Certaines réalisations sont présentées dans ce numéro, d’autres – tracts sonores, cartes postales… – sont accessibles sur notre site. Ce qui a été engrangé pendant la formation, ce que la formation a transformé continue à produire des effets, bien au-delà de ces pages. En cela, la formation est une action sociale et elle est source de changement social.

En conclusion de ce Journal de l’alpha est reproduit un courrier écrit par les participantes et adressé « aux décideurs » pour que de telles formations puissent continuer à exister. Ce courrier témoigne sans doute de la conscience des participantes que ce type de formation va, à bien des égards, à contrecourant des modèles dominants de l’action publique. Pas de critères de mesure de résultats, mais la prise en considération des effets tels qu’identifiés par les acteurs concernés ; pas de modélisation du dispositif à priori, mais une intervention pédagogique évolutive, au plus proche de ce qui s’y déroule ; pas d’autres critères d’admission que d’en avoir le désir et la volonté.

Nous avons la chance d’avoir en Fédération Wallonie-Bruxelles, au travers du décret Éducation permanente, une politique publique qui fait le pari des intelligences des acteurs de la société à y agir dans une perspective d’égalité et de progrès social, en vue de construire une société plus juste, plus démocratique et plus solidaire qui favorise la rencontre entre les cultures par le développement d’une citoyenneté active et critique et de la démocratie culturelle [2].


[1Notamment autour de notre campagne annuelle de sensibilisation sur la persistance de l’illettrisme (voir : Cécilia Locmant et Bénédicte Mengeot, Campagnes de sensibilisation : pourquoi Rosa ne parle pas en « je » mais résonne en « nous »…, in Journal de l’alpha no 210, 3e trimestre 2018, pp. 44-60) ; du projet Réseau des apprenants (voir : le GT réseau de Lire et Écrire et des apprenants membres d’un groupe réseau, Participation et gouvernail : tous sur le bateau, ibid., pp. 10-24) ; du forum de l’alpha La forêt des idées (voir : La forêt des idées, Journal de l’alpha no 214, 3e trimestre 2019