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Journal de l’alpha 214 :
La Forêt des idées

Actes du forum de l’alpha (3e trimestre 2019)

Le forum de l’alpha La Forêt des idées invitait travailleurs, volontaires et apprenants à échanger sur l’alphabétisation en Fédération Wallonie-Bruxelles. À l’origine de ce projet, le désir de se donner de l’air, de sortir du sentiment de plus en plus persistant de ne pas être pris en considération dans ce qui fait notre engagement dans l’alphabétisation. C’est peut-être là une particularité de l’action associative et d’un mouvement d’éducation permanente : se donner des espaces de liberté pour faire le point sur le sens et les modalités de notre action aujourd’hui, afin de construire l’alphabétisation de demain…

Ce Journal de l’alpha est dédié à ce forum. Il rassemble des constats mais aussi de nombreuses pistes et propositions pour améliorer et renforcer l’alphabétisation, de l’accueil et l’accès à la formation à l’après-formation, en passant par la lutte contre les discriminations et en balayant les aspects matériels, pédagogiques, administratifs… Nous espérons qu’il servira de support à la réflexion dans les équipes ainsi qu’à de nouvelles actions porteuses de sens pour l’alphabétisation !

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Sommaire

  • Édito
    Le forum de l’alpha, un espace pour penser et construire l’alphabétisation de demain

    Sylvie Pinchart, directrice, Lire et Écrire Communauté française
  • Préambule à la lecture de ce numéro spécial « Forêt des idées »
    Cécilia Locmant, Lire et Écrire Communauté française
  • Un brainstorming version XXL autour de l’alpha
    Cécilia Locmant, Lire et Écrire Communauté française
  • Atelier 1
    Comment on apprend ? Qu’est-ce qu’on apprend ? Comment on forme ?

    Cécile Bulens, Lire et Écrire Communauté française
    Isabelle Chasse, Lire et Écrire Bruxelles
  • Atelier 2
    Les aspects organisationnels : quelles formations proposer ?

    Aurélie Leroy, Lire et Écrire Communauté française
  • Atelier 3
    Qui arrive en formation et comment ? Qui n’arrive pas et pourquoi ?

    Aurélie Leroy, Lire et Écrire Communauté française
  • Atelier 4
    Faire valoir ses droits et lutter contre les discriminations

    Bénédicte Mengeot, Lire et Écrire Centre-Mons-Borinage
    Vanessa Deom, Lire et Écrire Luxembourg
  • Atelier 5
    Apprendre, mais encore ! Comment mieux répondre aux différents besoins ou demandes des apprenants hors apprentissages ?

    Louise Culot, Lire et Écrire Communauté française
  • Conclusions
    Redonner sens à l’action d’alphabétisation : vers de nouveaux possibles ?

    Aurélie Leroy, Lire et Écrire Communauté française

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Édito
Le forum de l’alpha, un espace pour penser et construire l’alphabétisation de demain

Ce numéro du Journal de l’alpha est dédié au forum de l’alpha La Forêt des idées, une invitation aux travailleurs, volontaires et apprenants à échanger sur l’alphabétisation en Fédération Wallonie-Bruxelles. À l’origine de ce projet, le désir de se donner de l’air, de sortir d’un sentiment de plus en plus persistant d’être étriqués, non pris en considération dans ce qui fait notre engagement dans l’alphabétisation. Il y a nos indignations pour les conditions de vie de plus en plus difficiles des apprenants – migrants et non-migrants –, nos allergies bureaucratiques face aux apprenants qui veulent entrer en alpha mais n’ont pas le bon statut et ceux qui ont le bon statut administratif mais ne veulent pas s’alphabétiser, des inquiétudes sur la pérennité du financement des associations et sur le respect de leur autonomie d’action, une complexité administrative qui détourne les énergies de l’action première, des équipes – volontaires ou salariées – qui requestionnent le sens de l’action, certaines même en souffrance dans leur travail…

Nous – les directions des régionales et des coordinations de Lire et Écrire – étions alors en 2017, et deux ans plus tard, ces constats sont confirmés à la fois par l’actualité politique [1] et par les résultats de l’enquête menée par Spiral en Fédération Wallonie-Bruxelles [2]. De l’inquiétude à la sinistrose, c’est un pas que nous ne souhaitons pas franchir ! C’est peut-être là une particularité de l’action associative et d’un mouvement d’éducation permanente : se donner des espaces de liberté pour faire le point sur le sens et les modalités de notre action aujourd’hui afin de construire l’alphabétisation de demain. C’est l’idée qu’en se décalant un peu de sa réalité quotidienne, en échangeant avec d’autres, on se donne à chacun et collectivement des ressources pour aller plus loin ou mieux dans l’action. C’est la conviction que chacun est acteur, porteur d’un point de vue qui lui est propre et qu’au travers de l’échange (y compris dans la confrontation des idées), nous aurons une vision plus riche et plus juste. Dans La Forêt des idées, nous avons invité les apprenants et les travailleurs de toutes fonctions, de toutes associations d’alphabétisation. Nous avons laissé à l’orée du bois d’autres acteurs importants : les mouvements ouvriers porteurs de Lire et Écrire, les partenaires impliqués dans la prise en compte des personnes analphabètes dans toutes les sphères de la vie sociale, les femmes et les hommes politiques et des administrations qui portent avec conviction l’action d’alphabétisation…

Voilà donc « l’idée » qui a germé en 2017… Il ne « restait plus qu’à » la mettre en œuvre ! Entre enthousiasme partagé et consternation (nous n’avions donc pas déjà assez de boulot pour se lancer en plus dans cette aventure bien hasardeuse ?), une équipe s’y est attelée avec créativité, professionnalisme et détermination. Je les en remercie. Dans sa contribution, Cécilia Locmant décrit l’ensemble du processus. Autant le dire tout de suite : nous n’avons pas atteint notre objectif en termes de participation large des associations du secteur… et c’est une déception ! Les hypothèses d’explication sont multiples… une équation avec de nombreuses inconnues. Sur base de mon expérience dans le projet, je retiendrai que nous avons sous-estimé les freins « de position ». Entrer dans le processus tel que nous l’avions conçu impliquait préalablement d’accepter de se départir quelque peu de « sa position habituelle » (de « direction ou de cadre contrôlant », de « formateur omniscient », d’« apprenant qui n’a rien à dire », de « professionnel compétent », de « gros opérateur ou de petit opérateur »…), de se mettre à l’écoute et de prendre le risque de dire en dépit des relations hiérarchiques, institutionnelles, pédagogiques,… En amont et pendant le projet, le cadre de confiance minimal à cette prise de parole autonome n’a pas toujours été là. Dans cette publication, nous ne nous attardons pas sur ce qui aurait pu être, nous nous attachons plutôt à rendre compte de la richesse des échanges… et ce n’est pas une déception !

De nombreuses pistes pour améliorer et/ou renforcer l’alphabétisation ont émergé des ateliers, de l’accueil et l’accès à la formation à l’après-formation, en passant par la lutte contre les discriminations et en balayant les aspects matériels, pédagogiques, d’accompagnement, administratifs… Il y a une forte convergence entre participants sur la nécessité d’une approche multidimensionnelle de l’alphabétisation, ancrée dans les réalités des apprenants et de leurs lieux de vie. Il y a aussi de nombreux constats partagés sur les effets délétères des politiques d’activation. Une deuxième convergence forte porte sur l’importance de la prise en compte de l’analphabétisme et de l’illettrisme dans l’ensemble de la vie sociale. Cette prise en compte ne se limite pas au droit effectif à l’alphabétisation mais bien à l’exigence de l’exercice de l’ensemble des droits économiques, culturels, politiques, sociaux…

C’était notre engagement de départ, formaliser les contenus au travers d’un travail de retranscription et de rédaction de synthèses. Des choix ont donc dû être opérés et parmi les lignes de conduite définies pour la réalisation de ce numéro, deux principales : être au plus juste (ne pas éluder les débats et les critiques mais aussi donner une juste place à ce qui rassemble) ; publier des contenus susceptibles d’intéresser un public plus large que les plus de 500 participants à La Forêt des idées. C’est Aurélie Leroy qui a piloté ce travail et, propose une analyse transversale et contextualisée de l’ensemble des contenus. Elle étrenne ainsi son nouveau rôle de secrétaire de rédaction du Journal de l’alpha, qu’elle partagera désormais avec Sylvie-Anne Goffinet.

Nous souhaitons que ce Journal de l’alpha, avec les constats, pistes de travail et alternatives des différents ateliers puisse servir de support à la réflexion dans les équipes, d’outil pour ouvrir de nouveaux dialogues avec les partenaires, de prétexte à tenter de nouvelles actions. Mais ceci est une autre histoire… à laquelle nous nous attèlerons demain !

Sylvie Pinchart, directrice,
Lire et Érire Communauté française.


[1Plus spécifiquement, la réforme des Aides à la promotion de l’emploi (APE) et des politiques d’insertion socio­professionnelle en Région wallonne.