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Des apprenants porte-paroles

Comment faire

L’analyse Des apprenants porte-parole revient sur l’expérience particulière d’une journée de hackathon, soit une journée de travail en groupe mixte rassemblant apprenants, formateurs, travailleurs de coordination, et également des chercheurs de l’Université libre de Bruxelles autour de la question de la participation des apprenants aux missions de plaidoyer et de sensibilisation de Lire et Écrire.

Le but était de réfléchir à la manière de répondre aux demandes d’intervention et de « conseil », qui sont de plus en plus adressées à Lire et Écrire depuis la pandémie et la numérisation de nombreux services d’intérêt général. Nous recevons en effet des invitations à « envoyer » des apprenants dans des panels de test, à donner notre avis sur des dispositifs en ligne, mais nous n’avons pas réfléchi, au niveau du mouvement Lire et Écrire, à la manière de répondre à ces demandes de manière systématique, ni à la manière dont les apprenants peuvent être impliqués, accompagnés, lorsqu’ils sont sollicités comme « expert de l’illettrisme ».

Notre question était donc : agir en tant « qu’experts » de l’illettrisme ? Si oui, comment, à quelles conditions et avec quel accompagnement ?

Nous avons décidé de rédiger ce texte en langage pour tous, qui revient sur notre question de départ, sur le processus et sur les résultats du hackathon. Ce texte est destiné à tout le monde, apprenants, travailleurs et toute personne intéressée par la question de la participation, notamment avec des personnes en situation d’illettrisme.
(Plus d’infos sur la démarche.)


Par Louise Culot,
chargée d’analyses et études.
Lire et Écrire Communauté française, mars 2023.

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Introduction

Lire et Écrire mène plusieurs actions.

Lire et Écrire organise des cours d’alphabétisation gratuits
pour les adultes.

Mais ce n’est pas tout.

Lire et Écrire fait aussi savoir à la société
que tous les adultes ne savent pas lire et écrire.

Lire et Écrire parle des difficultés de la vie
quand on ne sait pas bien lire et écrire.

Ces difficultés augmentent depuis l’arrivée d’Internet
et encore plus depuis la crise covid.

Les apprenants de Lire et Écrire sont bien placés
pour parler des difficultés de leur quotidien.

Dans les groupes de formation, ils parlent parfois de ces difficultés.

Mais en dehors de la formation, c’est plus souvent une autre personne qui parle en leur nom.

Par exemple, si il y a une réunion à la Commune,
les apprenants n’y vont pas souvent.

Ce sont des travailleurs de Lire et Écrire qui y vont.

Exemple

La SNCB a placé des machines automatiques.
Il n’y a plus de guichets dans les gares.
C’est difficile pour les apprenants d’acheter un billet
ou de consulter les horaires sans demander de l’aide.

Lire et Écrire contacte la SNCB.

La SNCB veut bien rencontrer Lire et Écrire.
Un comité de chez Lire et Écrire va au rendez-vous.

Qui peut composer ce comité ?

Uniquement des directeurs ?
Des formateurs ?
Des personnes qui s’occupent de parler aux journalistes
et d’écrire des articles ?
Et des apprenants, pourquoi pas ?

Dans certains pays, des apprenants prennent aussi la parole
en dehors des formations.

Par exemple, aux Pays-Bas et en Suisse, des apprenants ou des anciens apprenants peuvent suivre des formations spéciales.

Ils peuvent apprendre à parler aux médias
ou à des publics dans les écoles.

Ils peuvent se préparer à participer à des réunions politiques.

Après une formation, ils vont dans des écoles,
ou à des réunions avec des chefs d’entreprise
ou avec des politiciens.

Ils peuvent aussi relire des documents.
Ils vérifient que les documents ne sont pas trop difficiles à lire.
Ils sont parfois payés pour relire des documents ou donner leur avis.

Tous les apprenants ne le font pas mais si ils veulent, ils peuvent.

Ces apprenants sont les porte-paroles de toutes les personnes
qui vivent les mêmes difficultés qu’eux.

Quand on ne sait pas bien lire et écrire,
on peut quand même défendre ses droits comme citoyen.

Lire et Écrire veut soutenir les apprenants qui ont envie de défendre les droits des personnes qui ne savent pas lire et écrire.

Il y a surement à Lire et Écrire des apprenants qui peuvent devenir porte-paroles de toutes les personnes qui ne savent pas lire et écrire.

Mais comment ?

Une journée de « hackathon » avec des travailleurs et des apprenants

Des travailleurs de Lire et Écrire ont invité des apprenants
et des formatrices à une journée de hackathon.

Un hackathon, c’est quand plusieurs personnes se rassemblent pour chercher une réponse à un problème.
Les participants sont des personnes différentes.
Ils n’ont pas la même histoire ou la même vision.

Ils ont un problème commun.
Ils vont chercher une solution ensemble.
Chaque participant amène ses idées.
Toutes les idées sont bonnes.
Il n’y a pas de meilleures idées.
Il n’y a pas de meilleurs participants.

À la fin du hackathon, les participants proposent une solution commune au problème du début.

En septembre 2022, des apprenants, des formateurs
et d’autres travailleurs de Lire et Écrire se sont réunis à Namur.

Le problème qui était au centre de la journée de hackathon était :

Pourquoi et comment les apprenants de Lire et Écrire
peuvent-ils participer à certaines actions de Lire et Écrire ?

Le jour du hackathon, des apprenants, des formatrices
et des travailleurs de Lire et Écrire se rassemblent à Namur.

Le matin, trois groupes sont formés.
Les apprenants, les formateurs et les autres travailleurs
de Lire et Écrire sont répartis dans les trois groupes.

Dans chaque groupe il y a aussi un ou deux travailleurs
de l’Université libre de Bruxelles.
Ce sont des chercheurs intéressés par l’illettrisme.

Pendant une journée, tout le monde joue à un jeu en plusieurs étapes.

Beaucoup de choses sont dites ce jour-là dans les trois groupes.

Certaines choses reviennent dans tous les groupes.

4 problèmes et des solutions en commun

Premier problème : les difficultés augmentent

Le monde actuel est difficile pour les personnes
qui ne savent pas bien lire et écrire.

Encore plus depuis le covid.

Elles ont du mal à accéder à leurs droits.

Elles ne savent pas retirer de l’argent au distributeur.

Elles ne savent pas avoir le statut BIM.

Elles ne savent pas communiquer avec l’école de leurs enfants.

Elles sont dans le combat tous les jours.

→ Solution : rendre visible les oubliés de la société

Pour cela, parler de la vie des apprenants.

Parler des obstacles à la formation.

Parler des problèmes du travail qui est pénible.

Parler des problèmes financiers.

Parler des problèmes scolaires.

  • Cela peut se faire par différentes actions :
  • Créer des groupes, des comités d’apprenants.
  • Organiser des journées dans les écoles et les universités.
  • Être plus présents dans les médias, réseaux sociaux
    et dans la rue.
  • Devenir relais dans les médias, les Communes et les entreprises.

Deuxième problème : besoin de confiance

Pour parler d’eux en dehors de la formation,
les apprenants ont besoin d’être en confiance.

Souvent, ils ne se sentent pas en confiance.

Ils ont peur de discuter avec des gens « plus importants » qu’eux.

→ Solutions : former et développer certaines compétences

  • Développer des compétences pour parler dans les médias.
  • Parler de contenus ou thématiques politiques en formation.
  • Formation spécifique pour les apprenants qui le souhaitent.
  • Mieux connaitre les questions d’accès aux droits politiques,
    droits sociaux, etc.

Troisième problème : besoin de reconnaissance

Être analphabète, c’est mal vu, c’est négatif.

Personne n’a envie d’avoir une étiquette négative.

Les apprenants disent :

  • Nous ne savons pas bien lire et écrire,
  • nous savons bien d’autres choses.
  • Nous ne voulons pas être considérés comme expert de l’analphabétisme.

Pourtant, certains apprenants racontent leur expérience positive dans des projets citoyens.

Ces apprenants sont engagés dans des projets où ils défendent leurs droits de citoyens en alphabétisation.

Par exemple, des apprenants du Luxembourg sont impliqués
dans un projet de romans.
Ils relisent des romans destinés aux personnes qui apprennent à lire.

C’est un projet qui montre que la littérature, c’est pour tout le monde, même pour les adultes qui apprennent à lire.

Ce projet de littérature adaptée s’appelle « La Traversée ».

Les apprenants impliqués disent que c’est un projet positif pour eux.
Ils relisent des textes.
Ils parlent avec les auteurs qui ont écrit le livre.
Ils sont valorisés comme apprenants.

Ils ont de la reconnaissance.

→ Solutions

  • Mener des projets citoyens car ça donne confiance et c’est perçu positivement.
  • Encourager des expériences où les apprenants
  • porte-paroles de leurs droits et de leur vécu.
  • Avoir des alliés qui sont plus entendus et reconnus positivement, comme des artistes ou des politiciens.

Quatrième problème : Lire et Écrire, c’est grand

À Lire et Écrire, chacun travaille de son côté.
C’est normal car Lire et Écrire est très grand.

Lire et Écrire, c’est plusieurs milliers d’apprenants
et plus de trois-cents travailleurs en Wallonie et à Bruxelles.

Certains travailleurs de Lire et Écrire qui ne sont pas formateurs
ne connaissent pas bien les apprenants et les formateurs.

Pourtant ces travailleurs-là écrivent des articles sur les difficultés des apprenants.

Ces travailleurs-là vont dans des réunions pour défendre le droit des apprenants.

Ces travailleurs-là aimeraient mieux connaitre les apprenants
et les formateurs.

Souvent, les apprenants et les formateurs ne connaissent pas bien les autres travailleurs de Lire et Écrire.

Souvent, les apprenants d’une région ne connaissent pas les apprenants des autres régions.
Si tout le monde échangeait plus, on pourrait se sentir plus fort,
avoir plus d’impact.

→ Solutions

  • Avoir un média interne.
  • Organiser des rencontres internes pour connaitre les autres et leurs actions.
  • Se mobiliser ensemble, faire réseau entre apprenants, formateurs et autres travailleurs.

Présentation des résultats

À la fin du jeu en groupe, les résultats ont été présentés pour répondre à la question :

« Comment et pourquoi faire participer les apprenants de Lire et Écrire à certaines actions de Lire et Écrire ? »

Chaque groupe a fait une proposition de solution idéale.

Super GT mixte

Un GT est un groupe de travail.

Le premier groupe propose de créer des « GT mixtes » avec des apprenants, des travailleurs et des bénévoles.

Il en existe déjà quelques-uns :

  • à Lire et Écrire Luxembourg : les Agitateurs
  • à Lire et Écrire Centre Mons Borinage
  • à Namur : les Transform’Acteurs.

En plus, le premier groupe propose un « super GT mixte »
au niveau du mouvement.

Un « super GT mixte » serait utile pour réunir tout le mouvement,
tous les types de travailleurs et de bénévoles et les apprenants de toutes les régions.

Par exemple, deux ou trois fois par an, tous les participants du mouvement, apprenants, formateurs et autres travailleurs se rencontrent.

Cette journée peut les aider à créer des liens et projets communs.

Journée thématique

Le deuxième groupe propose d’organiser des journées à thème.

Pendant ces journées, les apprenants, les formateurs et tous les travailleurs de Lire et Écrire parlent de leurs expériences.
Ils partagent leurs connaissances ou leur vécu.

Cela peut être aussi des journées autour d’un projet commun.
Pour que tout le monde se sente bienvenu,
l’espace doit être facile d’accès.
Il faut créer un lieu ouvert et égalitaire.

Ces journées donnent lieu à des réflexions mais aussi des actions.

Réseau

Le troisième groupe propose de créer un nouveau groupe réseau.

Avant le covid, il y avait déjà un projet de groupe réseau.

Des apprenants et formateurs de différentes régions se réunissaient.

Ils travaillaient ensemble à des projets pour défendre les droits
des personnes qui ne savent pas bien lire et écrire.

Par exemple, des apprenants qui s’engagent dans ce groupe
pourraient suivre des formations spécifiques pour parler en public.

Ce serait bien de relancer ce groupe, mais comment ?

Et qui va l’animer ?

C’est un défi.

Conclusion

Les participants du 29 septembre ont proposé trois solutions idéales.

Ces solutions ne seront pas forcément réalisées.

Mais c’est une base pour aller de l’avant.

Pour les apprenants et les formateurs qui ont participé,
ce serait bien de savoir les suites de cette journée.

Certains apprenants avaient besoin de mieux se préparer
à la journée.

Ils n’ont pas bien compris les questions qui étaient posées.

Pour eux, nous avons décidé d’écrire cet article en
langage pour tous.

C’est une manière d’écrire accessible à tout le monde.

Le texte est destiné à tout le monde : apprenants, travailleurs et toute personne intéressée.

Pour donner un avis sur la lisibilité de ce texte,
sur son accueil par les groupes,
ou pour une autre suggestion,
contactez Louise Culot, autrice du texte :
louise.culot@lire-et-ecrire.be