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Compte-rendu du séminaire Travailler avec les « publics éloignés ». Quels enjeux ? Quelles ressources ?

Synthèse + enregistrements audio

Le mardi 5 décembre 2017, Lire et Écrire Communauté française a proposé une journée de réflexion autour des projets consacrés à des publics dits « éloignés » de la formation et de l’emploi, financés notamment par le Fonds social européen.

Introduction : Éléments de contexte et raisons d’être de cette journée
Sylvie Pinchart, Lire et Écrire Communauté française

En voici une synthèse, avec les enregistrements audio des intervenants et des discussions avec le public.

Quelles stratégies pour les projets « publics éloignés » ?

Compte-rendu de la journée de séminaire du 5 décembre 2017

Par Antoine Daratos, Lire et Écrire Communauté française.

Télécharger le compte-rendu (PDF).

La journée organisée à Bruxelles le 5 décembre 2017 par Lire et Écrire Communauté française, autour de la question Travailler avec les « publics éloignés ». Quels enjeux ? Quelles ressources ?, avait pour objectif de permettre une mise en ressource mutuelle entre acteurs impliqués dans des projets consacrés à des publics dits « éloignés » de la formation et de l’emploi, projets financés notamment par le Fonds social européen (FSE).

Le travail dans le cadre de ce type de projet comporte en effet de nombreuses particularités, au point que beaucoup parlent d’un « nouveau métier ». La notion de « public éloigné » est à la fois vague, politiquement connotée et sujette à interprétation. De plus, elle recouvre des réalités différentes suivant les associations et les territoires. Par ailleurs, le travail avec ces publics pose de nouveaux défis concernant le recrutement et maintient en formation, ce qui pousse les opérateurs à adapter leur offre de formation, d’une part, et à modifier leurs stratégies de sensibilisation et de partenariat, d’autre part. Enfin, les exigences du Fonds social européen, les indicateurs utilisés et la grande catégorisation des publics qu’ils entraînent ajoutent aux difficultés de recrutement.

Comment l’Europe voit-elle les publics « fragilisés » et « éloignés » ?
Antoine Daratos, Lire et Écrire Communauté française
Voir son analyse à ce sujet…
Comment l’Europe voit-elle les publics « fragilisés » et « éloignés » ?
Diaporama

La journée du 5 décembre proposait donc une série de présentations, par des porteurs de projets, de leurs solutions pour répondre à ces défis. Il en est avant tout ressorti qu’il existe une variété de stratégies possibles, chaque association fixant des enjeux différents.

Le projet Objectif Ville : de jeunes « City Trotters » réalisent un plan interactif,
de Lire et Écrire Charleroi Sud-Hainaut, en partenariat avec la FUNOC

Guillaume Petit et Ingrid De Souza Bispo (Lire et Écrire Charleroi Sud-Hainaut) ont présenté un projet réalisé dans la ville de Châtelet. Le projet était consacré aux jeunes et avait pour objectif général de réaliser une cartographie de Châtelet. Il se composait de deux phases, une phase d’ « accroche » ou de recrutement, afin de présenter les enjeux et les finalités du projet aux participants éventuels, et une phase de réalisation du projet proprement dit, qui s’est déroulée sur un laps de temps très court de deux mois et demi.

La phase de recrutement est cruciale étant donné que le public visé n’est a priori pas demandeur d’une formation. C’était donc un véritable enjeu que d’avoir assez de stagiaires et de parvenir à les garder. Le travail avec les partenaires comme le CPAS et le FOREM était pour cela important, mais d’autres initiatives ont été prises, comme du porte à porte. De manière générale, il s’agissait de dépasser une approche classique, d’aller rencontrer les personnes sur différents lieux d’activité et de trouver les mots justes pour dire aux jeunes qu’ils allaient avoir une autre vision sur les compétences. Les jeunes ont été intéressés par le fait de relever un défi, par la sensation d’être investis d’une mission. Pour Guillaume Petit, les stagiaires sont avant tout éloignés d’eux-mêmes, de leurs projets, de leurs compétences, de leur identité, d’exemples de réussite, et c’est vers ces choses-là que le projet vise à les ramener.

Il reste que la majorité des personnes invitées à des séances d’information n’ont pas franchi la porte de l’association, ce qui laisse penser qu’il faudrait davantage valoriser cette phase en termes de subsides, car elle est déterminante. Enfin, il faut noter qu’il y avait une certaine flexibilité sur la possibilité d’intégrer la formation après son commencement, pendant environ un mois, avant que la thématique ne soit tout à fait développée et le groupe soudé. Pendant cette période, la phase d’accroche s’est prolongée, notamment par le bouche-à-oreille.

Étant donné la durée très courte du projet, le but n’était pas d’entamer une formation en alphabétisation ou de viser des apprentissages. L’objectif était plutôt de donner l’envie d’autre chose, d’oser un parcours plus long, de montrer des horizons et aboutir pour chacun des participants à un la formulation d’un projet personnel, avec notamment un premier objectif de formation.

L’ensemble de la conception du projet visait donc à susciter une envie chez les jeunes, à commencer par le fait de prendre les jeunes pour ce qu’ils étaient et d’éviter de leur parler en termes de manque : plutôt que de les envisager comme des personnes « éloignées », il s’agissait d’utiliser leurs opinions, leurs savoirs, leurs contributions pour faire avancer le projet.

De la même manière, la mise en œuvre du projet veillait à sortir du cadre scolaire et à favoriser le fait d’oser, explorer, ouvrir, faire des choses différentes, en se basant sur de multiples activités ainsi que des sorties pédagogiques. Un des principes essentiels était de travailler de manière flexible : si les participants avaient une idée, d’essayer de la mettre en œuvre, afin de favoriser leur investissement.

Une autre dimension importante était celle du bien-être du groupe, de la sécurité, de l’ambiance, étant donné que ce sont souvent des expériences négatives vécues dans le cadre scolaire, de violence physique ou morale, de harcèlement, qui ont poussé les participants à décrocher.

Autour du projet Objectif ville : de jeunes City Trotters réalisent un plan interactif
Ingrid De Souza Bispo et Guillaume Petit, Lire et Écrire Charleroi Sud-Hainaut
Autour du projet Objectif ville : de jeunes City Trotters réalisent un plan interactif
Diaporama
JT de la team Trotters
Réalisé dans le cadre d’Objectif ville
Objectif ville
Questions-réponses

Le point sur des projets menés à Lire et Écrire Wallonie picarde

Comme l’a expliqué Dominique Rossi (Lire et Écrire Walonie picarde), la question de l’éloignement se pose toujours dans un territoire rural comme celui de la Wallonie picarde. Il s’agit d’un éloignement avant tout géographique. De plus, avec peu de population originaire de l’étranger, le public « alpha » de la région est principalement d’origine belge, et a donc plus de difficulté à franchir le pas de la formation. La régionale mène plusieurs projets financés par le Fonds social européen, dont un avec des usagers de soins de santé mentale, et deux autres avec des jeunes.

Très vite, la régionale a donc mené un important travail en réseau afin de toucher des personnes, via des partenaires classiques comme le Forem, les CPAS ou les maisons de l’emploi, mais également via d’autres acteurs, comme des professionnels de la santé (médecins, kinés, infirmiers, etc.), des éducateurs de rue, des commerçants, des halls sportifs. Les travailleurs font également du porte à porte pour faire connaître les possibilités de formation. Il s’agit donc d’une mutation dans les pratiques de la profession même. Malgré cela, il n’y a que peu de public qui participe aux projets, en partie également en raison du fait que ceux-ci ne sont pas accompagnés d’une obligation.

Concernant la notion de « public éloigné », il faut également s’interroger sur la question de l’éloignement et se demander si, plutôt que les publics, ce ne sont pas le marché de l’emploi, ainsi que nos associations, syndicats et mouvements ouvriers qui se sont « éloignés » de leurs publics, et si les acteurs qui entretiennent encore de véritables contacts avec eux ne sont pas ceux qui pourvoient aux véritables urgences : les acteurs caritatifs, humanitaires, hospitaliers, etc.

De plus, nos associations sont prises dans une tension entre, d’un côté, la volonté de rendre le travail accessible en fournissant les codes du monde du travail aux apprenants, et d’un autre côté celle de faire de l’éducation populaire, critique et émancipatrice. Il faut aussi s’interroger sur laquelle de ces deux options a pris le pas sur l’autre, car si nous peinons à recruter les publics dits « éloignés », c’est aussi parce qu’ils ne voient plus dans les associations un potentiel de résistance, de rêve, ils n’y trouvent plus la conviction qu’il est possible de changer les choses.

Face à ces difficultés, plusieurs pistes peuvent être suivies pour continuer à tenter de toucher les personnes qui ne sont suivies nulle part, notamment un suivi individuel plus important des stagiaires, une distinction entre l’analphabétisme et l’illettrisme, une autre temporalité et une autre organisation, moins figées ; le travail par projet au niveau pédagogique ; le parrainage ; un rapprochement du secteur caritatif, humanitaire ; de nouveaux relais, en particulier des jeunes eux-mêmes, par exemple sur internet ; etc.

Le point sur des projets menés à Lire et Écrire Wallonie picarde
Dominique Rossi, Lire et Écrire Wallonie picarde
Projets menés à Lire et Écrire Wallonie picarde
Questions-réponses

Le projet Mouv’Up, de Présence et Action culturelles (PAC), Bruxelles

Mohamed Moussaoui a présenté la mise en place des projets FSE chez PAC. Ces projets sont nés de constats réalisés lors des permanences des écrivains publics coordonnés par PAC, et visent à proposer une démarche de formation qui permette de restaurer la capacité d’agir des personnes. Il s’agit donc, à l’origine, d’un tremplin vers la formation qualifiante ou vers l’emploi. Ici encore, il s’agit d’un projet assez court, de 130 heures, dont 72 h en collectif. Le projet s’étale sur trois mois à raison de deux séances par semaine. Les entretiens individuels permettent quant à eux de rencontrer les gens autour de leur projet individuel.

Comme pour les autres projets, le recrutement de stagiaires, ainsi que la notion même des « publics éloignés », posent question. Les contacts par e-mail avec des institutions partenaires n’ayant pas donné de résultat, Mohamed Moussaoui est allé à la rencontre des personnes, dans le quartier. Ici aussi, l’accent est mis sur la flexibilité et l’envie : il a préféré parler de projet personnel plutôt que professionnel, et a assoupli au maximum le cadre et les conditions d’accès à la formation.

Pendant la formation, l’accent est également mis sur la liberté, car il est important de déresponsabiliser les gens. Une charte est donc rédigée collectivement, et le processus de formation est soumis à la critique, déconstruit, en vue de « libérer la parole pour donner du pouvoir de critiquer ».

En ce qui concerne l’assiduité, on part du constat que les gens ne deviennent pas assidus sur base d’une contrainte (même si une formation financée par le FSE présente toute une série de contraintes administratives). Il n’y a donc pas d’obligation, les personnes ne sont pas responsabilisées pour leur absence. Au contraire, l’accent est mis sur la liberté, et donc sur le fait pour l’animateur de susciter de l’intérêt pour la formation. Dans cet ordre d’idée, on parle de projets de vie, qui ne sont pas toujours professionnels, ou du moins dont l’emploi n’est pas la fin, le but, mais un moyen.

Une des difficultés est de faire émerger des projets collectifs, étant donné que les personnes ne viennent pas toutes pour les mêmes raisons. Mais le fait qu’une grande place est accordée à ce que les gens veulent apporter et créer fait que chaque groupe est vraiment différent, ce qui est très enrichissant. Le pouvoir d’agir commence dans la formation.

Autour du projet Mouv’Up
Mohamed Moussaoui, Présence et Action culturelles (PAC)
Mouv’Up
Commentaire du public

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