Accueil > Le Mouvement > Actualités > Et si on lui disait avec des fleurs ?

Actu du

Et si on lui disait avec des fleurs ?

Communiqué de presse

Le 14 juin à 11h30, Lire et Écrire se rendra avec une délégation de travailleurs et d’apprenants devant le bureau du ministre Willy Borsus, les bras chargés de fleurs… Rosa, personnage de notre dernière campagne de sensibilisation sera également sur les lieux. Et, à travers elle, nous choisirons l’utopie et l’humour pour interpeler le Ministre et dénoncer les dérives des mesures d’activation qui pénalisent les plus fragilisés, dont les personnes en situation d’illettrisme. À cette occasion, les milliers de cartes signées par ceux et celles qui ont soutenu notre campagne seront remises au Ministre.

Télécharger le communiqué (PDF).

Cette année, Lire et Écrire a décidé de faire sa campagne annuelle en pointant les mesures d’activation, et plus spécifiquement le Projet individualisé d’intégration sociale (PIIS), car celles-ci ont des retombées préoccupantes sur les conditions de vie des personnes analphabètes.

C’est dans ce contexte que notre ASBL, représentée par sa directrice et une délégation d’apprenants et de travailleurs, rencontrera ce mercredi 14 juin à 11h15 le ministre de l’Intégration sociale, Willy Borsus, initiateur de cette mesure, pour lui faire part de ses constats et de ses demandes.

Une cinquantaine de travailleurs et d’apprenants qui ont participé à notre campagne ont décidé de se rendre devant son cabinet le 14 juin matin. Cette occupation festive de l’espace public se concrétisera par la distribution de fleurs aux membres de l’administration du ministre et le dépôt dans ses locaux des cartes postales signées par tous ceux et celles qui ont soutenu notre campagne. Cette initiative sera le point d’orgue de la mobilisation et de l’implication des apprenants de nos formations en alphabétisation au sein de la campagne Rosa, la vie en rose, lancée le 8 septembre 2016, Journée internationale de l’alphabétisation.
 

Quelles sont nos craintes par rapport au PIIS ?

Depuis le 1er novembre 2016, tous les nouveaux bénéficiaires du Revenu d’intégration sociale (RIS) doivent signer un PIIS avec leur CPAS. Notre public est particulièrement touché par cette mesure puisque plus d’un tiers de nos apprenants sont aidés par le CPAS. Le PIIS est un contrat entre le CPAS et l’usager qui vise son « intégration ». Ce contrat fait l’objet d’entretiens d’évaluation réguliers qui peuvent déboucher sur des sanctions comme la suspension ou le retrait du RIS.

Une première enquête menée par le service d’études de Lire et Écrire montre que les arguments avancés par les pouvoirs publics « mieux suivre les personnes, favoriser leur réintégration sociale et professionnelle ainsi que de les responsabiliser » ne sont pas réalistes.

Les constats de cette première photographie de la mise en œuvre du PIIS sont interpellants : les personnes analphabètes ne savent pas si elles ont signé un PIIS et celles qui en ont signé un ne savent pas ce qu’elles ont signé exactement. Elles sont en tout cas peu informées du contenu et n’ont pas accès à la complexité du langage juridique utilisé dans de tels documents. Nous pensons donc que ces dernières ne savent pas à quoi elles s’engagent dans le PIIS et risquent, plus que d’autres, d’être sanctionnées pour non-respect des clauses de leur contrat faute de l’avoir compris.

En outre, avec la généralisation du PIIS, et la surcharge administrative qu’elle va impliquer, les assistants sociaux, déjà débordés, n’auront sans doute pas la possibilité de mettre en place un accompagnement adapté aux besoins spécifiques des personnes analphabètes ou illettrées.

Plus encore que les personnes maitrisant l’écrit, les personnes analphabètes vont être plus dépendantes du pouvoir discrétionnaire de l’assistant social. Certaines conditions fixées dans les PIIS peuvent être inatteignables et inadaptées à leur situation d’analphabétisme. Nos publics risquent donc d’être doublement défavorisés puisque, comme ils ne comprennent pas ce à quoi ils s’engagent, ils ne peuvent pas aisément négocier – ou refuser – ces conditions avec l’assistant social.

Les mesures imposées par ce nouveau dispositif nous semblent donc discriminantes car elles se caractérisent par des exigences toujours plus lourdes en matière d’écrit, par des contrôles basés davantage sur la menace de la suspension des allocations que sur une démarche de soutien et d’accompagnement des bénéficiaires dans leurs projets de vie, d’emploi et de formation.

Tous les jours, nous voyons des personnes qui veulent s’en sortir, qui veulent trouver un emploi et qui veulent se former. Or, le PIIS, comme les autres mesures des politiques d’activation, sous-entend que les personnes ne font pas assez d’efforts pour s’insérer et pour bénéficier du RIS. Nous estimons que cette idéologie méritocratique ne résout pas le problème de l’analphabétisme qui trouve sa source dans des causes structurelles et non individuelles. Au contraire, elle culpabilise et exclut davantage les publics les plus précaires.

Ce que Lire et Écrire revendique

À travers notre campagne, nous avons présenté le personnage de Rosa, une jeune femme qui a des difficultés de lecture et d’écriture, sous l’angle de ses compétences et de ses projets. En imaginant autour d’elle des interlocuteurs qui mettent en place une écoute active, lui offrent le temps nécessaire pour entendre sa demande, comprendre sa démarche… et y répondre. Pour Lire et Écrire, une politique efficace va dans ce sens et ne passe pas par une plus grande culpabilisation et exclusion des chômeurs et des allocataires sociaux.

Ce que nous souhaitons, c’est que les pouvoirs publics mettent en place les instruments d’évaluation de ces politiques d’activation et agissent sur les causes mêmes de la persistance de l’analphabétisme. S’il y a persistance de l’analphabétisme dans un pays où la scolarité est obligatoire, c’est notamment parce que l’enseignement n’est pas capable d’amener une partie des enfants issus des classes populaires, belges ou immigrées, à un niveau de maitrise des compétences de base équivalent au Certificat d’études de base (fin de sixième primaire).

L’accès à l’alphabétisation est pour nous un droit humain fondamental, un droit qui a ceci de particulier qu’il conditionne de manière très significative l’exercice de tous les autres droits : culturels, sociaux, économiques et politiques.

Ne pas en tenir compte n’est pas seulement porter atteinte aux personnes concernées, mais hypothéquer notre espace démocratique en excluant plus d’une personne sur dix.

Contacts presse