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Travailler en alpha - Vos témoignages

Le numéro 174 du Journal de l’Alpha a invité les personnes qui travaillent dans le secteur de l’alphabétisation à témoigner de leur métier.

Si la plume vous démange vous aussi, il n’est pas trop tard pour apporter votre témoignage : notre site se propose d’accueillir de nouvelles contributions.

Envoyez vos œuvres, témoignages, interviews, carnet de bord, récits, poèmes, calligrammes, etc. à webmaster@lire-et-ecrire.be ou ajoutez un commentaire ci-dessous.

Appel terminé

Messages

  • Portevoix 2

     
    Il y a ceux qui,
    par l’encre de leur plume,
    reconnaissants des bienfaits
    que leur siècle leur a octroyé,
    font savoir comment,
    par quel biais
    – du noir du puits
    dans lequel ils ont été poussés –
    ils ont pu agripper
    dans une crevasse,
    dans un interstice du temps,
    grâce à un regard,
    un mot, un pâle sourire, une présence,
    une expérience vécue
    -* imposée par des tyrans -
    dans un cachot, un cageot,
    dans un désert ou en pleine mer.
    Agripper ont-ils pu,
    un espoir, une rallonge à leur survie,
    une inspiration d’oxygène une seconde de plus,
    et les yeux embués par la douleur,
    voir l’esquisse mouvante
    d’une grandiose lueur
    où la véracité de la flamme de l’humanisme
    a témoigné de son existence
    même avant le dernier soupir
    de leurs frères d’infortune.
     
    Il y a de ceux-là qui,
    de leurs méditations
    de leur chair
    des os qui leur restent,
    écrivent
    malgré ces bagages ancrés dans leurs veines,
    la tentative de VIVRE
    aujourd’hui
    et rappellent,
    – rejetant la haine –
    les secondes suivantes, leur potentiel
    et l’amour qu’il reste à créer.
     
    C’est une corde qu’ils tendent
    aux autres cœurs humains enchainés.
     
    Il y a ceux qui,
    sans jamais avoir tenu un pinceau
    une brosse, un calame, un stylo
    diront
    s’ils le peuvent encore,
    au-delà des mépris des érudits parvenus,
    le passage étroit
    où il leur a été forcé d’évoluer ;
    ils diront,
    par leurs lèvres, par leurs gestes,
    leurs lanternes allumées,
    les endroits où ils ont dû
    forcer des portes intérieures,
    trouver l’ultime soupape.
    Et si, par leur illettrisme
    ils demeurent anonymes,
    qui peut,
    à l’heure de nos lectures en notre siècle
    nier leurs cris sur le mur des lamentations
    tricoté, façonné, maçonné sur la planète entière
    depuis une éternité !
     
    C’est une corde qu’ils tendent
    aux autres cœurs humains enchainés.
     
    Sur les chemins de l’exil
    tous ceux-là, cent fois,
    la maltraitance les frappe encore ;
    et c’est tout juste
    si l’on ne leur fait revêtir
    les loques du bourreau.
     
    Il y a ceux qui,
    survivants des millénaires,
    déjà mutilés,
    par d’autres, par eux-mêmes,
    il y a ceux-là,
    Terriens inconscients
    qui, souvent,
    écrasent
    et la plume
    et la main.
     
    Ceux-là,
    peut-être un jour,
    un jour peut-être,
    s’interrogeront-ils :
    « Le silence du désert
    est-il véritablement ‘silence’ ? »
    À ce moment peut-être,
    peut-être à ce moment
    auront-ils surpris
    le lieu d’où la voix questionne…
    Peut-être
    Peut-être
    Pourvu qu’il leur reste un calame !

    Poème dédié à Cikuru Batumike lors de la censure des faits qu’il relatait sur son blog en 2006 au sujet de son arrestation arbitraire, de son séjour et des tortures subies dans les geôles au Congo. Ce témoignage d’écrivain et de journaliste avait suscité son blog.