Des besoins et des envies partagés
Sur base d’une expérience de terrain de plus de 20 ans, Convivial pose les constats suivants :
- D’une part, les personnes réfugiées arrivées dans notre pays sont confrontées à plusieurs éléments déstabilisants, dont le fait de s’installer dans un nouveau logement et de vivre dans un nouveau quartier, tout en ayant très peu de relations avec leurs voisins. Elles ont le souhait de rencontrer la population locale, de s’y intégrer, de découvrir la Belgique, d’apprendre le français et, pour cela, d’être aidées par des citoyens-voisins, mais elles n’osent pas ou ignorent comment entrer en relation.
- D’autre part, beaucoup de citoyens veulent agir concrètement et rencontrer les personnes réfugiées, mais soit ils ne savent pas à qui s’adresser pour rentrer en contact avec elles, soit ils ne disposent pas de beaucoup de temps ou n’ont pas beaucoup de moyens à consacrer à une aide de proximité, étant pris par leur vie de famille et leur vie professionnelle.
Grâce au projet Voisins solidaires, la Ligue des familles et Convivial proposent aux citoyens belges et autres résidents étrangers de rentrer en contact avec des réfugiés habitant à proximité. L’objectif premier est de leur permettre d’établir une relation, sur un mode informel et égalitaire, dont les contours sont à définir ensemble. Dans ce cadre, les citoyens offrent éventuellement aussi divers services selon leurs disponibilités, leurs compétences, leurs envies, etc., en respectant les besoins et souhaits des personnes réfugiées : aide pour les devoirs ou le transport, découverte de son quartier ou de la ville, lecture du courrier, conversation en français, partage d’un repas,…
Convivial et la Ligue des familles assurent le recrutement, la formation et la mise en relation des voisins solidaires. Ils offrent aussi une médiation à distance aux deux parties (c’est-à-dire une écoute active par téléphone), mais laissent une grande liberté d’action aux voisins belges et réfugiés pour permettre à la relation d’évoluer de manière souple et spontanée.
- Visite de la famille Grippa chez leurs voisins, les Al Saho
Plus de points communs que de différences
À ce jour, le projet Voisins solidaires a permis de créer 50 duos, chacun composé d’une famille ou personne réfugiée et d’une famille ou personne belge.
Christelle, son mari et ses enfants forment un duo avec Ragah et sa fille. Voici les réponses de Christelle à nos questions relatives à l’implication de sa famille dans le projet :
Pourquoi avez-vous décidé de devenir des voisins solidaires ?
Cela faisait quelque temps que nous voulions en tant que famille agir pour les réfugiés. Avec mon mari, nous nous sentions révoltés face à la politique d’asile en Belgique mais nous ne savions pas comment agir concrètement pour aussi impliquer nos enfants. Quand nous avons entendu parler du projet des voisins solidaires, nous nous sommes rendus à la séance d’information qui nous a convaincus de poursuivre.
En quoi consistent vos rencontres et échanges ?
Nous avons demandé à Ragah ce qu’elle attendait des rencontres à venir. Elle nous a fait part de son souhait de pratiquer le français et de découvrir la Belgique. Nous alternons de simples rencontres pour échanger et discuter avec des excursions tous ensemble. La seule difficulté parfois rencontrée est la barrière de la langue mais avec un bon dictionnaire en ligne, on s’en sort très bien. Nos filles, qui ont presque le même âge, s’entendent très bien et aiment jouer l’une chez l’autre.
Que retirez-vous de cette expérience ?
Nous avons, mon mari, moi et mes enfants, beaucoup appris. Tout d’abord sur nos préjugés. J’avais des idées préconçues sur la vie en Syrie. J’ai aussi été très frappée par le nombre de choses qui nous relient. Nous avons au final plus de points communs que de différences. Ragah est par exemple une maman qui a les mêmes questions, doutes et angoisses que moi pour ses enfants. Enfin, cette expérience apporte beaucoup à ma fille et mon fils. Pour eux, c’est une véritable ouverture à la différence. Les migrations, les réfugiés, la Syrie,… tous ces mots, ils les entendaient dans les médias, à l’école. Aujourd’hui, ils comprennent mieux. Ce ne sont plus des mots lointains et abstraits. Pour nous, c’est une très belle rencontre et une expérience enrichissante. Le défi sera peut-être de maintenir ce rythme car nous sommes tous très vite pris par nos emplois du temps. Ces moments avec Ragah et sa fille nous permettent de remettre l’essentiel sur la table, les choses à leur place.
- La famille de Christelle et celle de Ragah de sortie à Bruxelles
Le français… entre voisins
Comme dans le cas du duo formé par la famille de Christelle et celle de Ragah, l’apprentissage ou la pratique du français sont des éléments centraux de la relation entre voisins. Si certains citoyens ont des aptitudes pédagogiques, la plupart d’entre eux découvrent en autodidacte le monde de l’alphabétisation ou du FLE de manière tout à fait informelle. N’étant pas des professeurs ou animateurs et ne souhaitant pas le devenir, ces voisins solidaires se débrouillent pour trouver des outils ou des techniques pour aider leurs voisins réfugiés à apprendre ou pratiquer la langue : applications mobiles sur leur portable, cours et tutoriels en ligne, recours à des amis expérimentés ou à des ouvrages spécialisés, etc. Les voisins concernés trouvent chacun leurs trucs et astuces pour répondre aux besoins de leurs nouveaux voisins réfugiés, tout en restant clair sur leur rôle et sur le fait qu’ils ne veulent et ne peuvent pas remplacer des formateurs professionnels.
Dans certaines situations, Convivial et la Ligue des familles interviennent pour aiguiller et conseiller les citoyens. Il s’agit par exemple de cas où des citoyens se sont impliqués personnellement dans l’aide à leurs voisins réfugiés et ont du mal à poser les limites de leur intervention (en terme de disponibilité ou de « mandat »), ou encore lorsque des réactions, des commentaires, des décisions prises par une partie sont mal interprétées par l’autre partie, ce qui pourrait conduire à la fin de la relation de voisinage.
Hormis ces quelques cas, la majorité des voisins solidaires ont à cœur d’entretenir une relation simple et agréable avec leurs voisins réfugiés en essayant de faciliter au mieux la communication entre chacun. Cette communication passe d’ailleurs souvent par d’autres modes d’interactions : des gestes, des sourires, des dessins, des symboles (par exemple l’utilisation de smileys)… tout ce qui permet aux individus d’échanger et de se comprendre.
Lionel
Convivial – Mouvement d’insertion des réfugiés.