Face à la pandémie, les mesures du gouvernement tombent : en 2020 le confinement est décrété en mars et renouvelé en novembre. Très rapidement, les institutions essentielles ont dû s’adapter. Le Forem, l’Onem, les CPAS, les mutualités, les banques, les syndicats, les communes, etc. se tournent vers le télétravail, limitant les guichets physiques et favorisant la prise de contact ou de rendez-vous par téléphone ou par mail. Cependant, ces nouvelles mesures ont tendance à mettre de côté un public large, déjà fragilisé.
Une exclusion numérique, renforcée par la situation Covid
En Belgique, 40% de la population belge est en difficulté avec le numérique, selon le Baromètre d’août 2020 publié par la Fondation Roi Baudouin. Pour ceux qui sont mal à l’aise avec les outils en ligne, naviguer sur internet et/ou prendre rendez-vous en ligne relève presque de l’impossible. À cela s’ajoutent également les personnes qui ne possèdent tout simplement pas le matériel informatique nécessaire ou de connexion performante, par manque de moyen ou de couverture wifi.
En ce qui concerne le contact des services de 1re ligne par téléphone, cette démarche est très complexe pour certains car les procédures demandées ne sont pas accessibles à tous ; comme simplement épeler son nom pour les personnes ne parlant pas français, ou celles ne sachant pas lire ou écrire. Parfois, le service téléphonique renvoie les demandeurs à une adresse mail ou un site, ce qui donne lieu à un cercle kafkaïen.
Des services sous tension
À toutes ces difficultés s’ajoute le peu de disponibilité du personnel des services de première ligne. Par exemple, un article (publié le 6 janvier 2021) dans le Guide Social met en exergue la surcharge de travail qui pèse sur les travailleurs sociaux des CPAS depuis la crise sanitaire : à Nivelles, le centre connaît une augmentation de 49% du nombre de dossiers. Un manque d’effectifs se ressent. Les services de 1re ligne sont sous pression et n’ont plus le temps de répondre correctement aux demandes de ce public fragilisé.
De plus, la diversité de ce dernier rend ardue la prise en charge correcte, car chaque "catégorie" rencontre des difficultés spécifiques, ce qui demande un traitement propre ; personnes âgées, personnes peu diplômées, personnes ne parlant pas français, personnes ayant des difficultés de lecture et d’écriture, familles à bas revenus et/ou monoparentales, personnes avec un handicap, etc.
Des organisations et associations dépassées
Face à cette impossibilité de réaliser par lui-même les démarches, ce public fragilisé se tourne alors vers d’autres structures (associations, centres d’insertion socioprofessionnelle) dont il a déjà connaissance et/ou auxquelles il a l’habitude de faire appel. Ces organisations doivent, en plus de leur métier, prendre en charge des fonctions qui ne relèvent pas de leur ressort. Cette tâche supplémentaire surcharge souvent ces travailleurs, qui doivent alors faire passer leur travail de base en second plan face à la détresse ou l’urgence de certains cas.
Par exemple, une formatrice de Lire et Écrire Brabant wallon a dû contacter elle-même le numéro général d’un service de 1re ligne, car un de ses apprenants ne touchait plus d’allocation, le mettant dans une situation très délicate. Il avait d’abord tenté de contacter lui-même le service en question, mais il a parlé à plusieurs interlocuteurs qui avaient un discours différent. Il n’arrivait alors pas à suivre les procédures. Beaucoup de travailleurs sont donc face à des situations très complexes, voire dramatiques et non-habituelles suite aux problèmes vécus par les personnes.
Des citoyens et des citoyennes en détresse
Mais les principaux impactés sont bien sûr les citoyens fragilisés : stress, perte de confiance dans les institutions, détresse voire dépression, renoncement, etc. Avec pour effet un non accès à leurs droits fondamentaux et des conséquences très graves pour certains cas : perte de revenu, impossibilité de payer des factures, difficulté à prendre rendez-vous pour des problèmes médicaux importants, etc.
Se pose aussi la question de ceux qui n’ont pas cette possibilité. Celles et ceux qui n’ont pas ce contact avec ces associations et/ou centres. Pour ces personnes, c’est le néant : rien, personne pour les aider. Elles sont complètement livrées à elles-mêmes et démunies face à ce tout numérique qui n’offre pas/trop peu d’alternatives.
Trouvons ensemble des solutions
Devant cette situation alarmante, les signataires de cette lettre ouverte appellent les services de première ligne du Brabant wallon à travailler ensemble pour trouver des solutions.
Cette proposition peut se traduire par une série d’actions :
- Repenser les démarches de « 1er contact » pour faciliter celui-ci pour les personnes éloignées numériquement, ou ne parlant pas la langue.
- Mettre en place des moyens pour identifier le public en difficulté, qui souvent cache sa situation, comme par exemple les personnes en difficulté de lecture et/ou d’écriture.
- Réfléchir à des stratégies de prise en charge adaptée de ces différents citoyens et citoyennes en fonction de leurs besoins.
- Une autre réflexion possible serait la mise en place d’un Service de premier accueil indépendant, qui servirait de relais entre ces personnes en difficulté d’accessibilité et les services de 1re ligne.
Ce travail de collaboration pourrait prendre plusieurs formes : réunions, formations et sensibilisations du personnel, instauration d’un groupe de travail régulier, etc. Ces pistes sont proposées sur le long terme, et non pas uniquement dans le contexte de la pandémie.
Ceci dit, l’urgence est là car le train numérique et la digitalisation des services ne cessent d’avancer dans notre société. Il faut donc pouvoir inclure toutes les citoyennes et tous les citoyens restés sur le quai et leur garantir un accès à tous les services. Il est alors indispensable de créer des canaux alternatifs et des lieux où tout citoyen peut trouver du soutien, en période de coronavirus mais également au-delà.
Les signataires
Le MOC Brabant wallon ; La CSC Brabant wallon ; La Mutualités Chrétiennes, pôle Brabant wallon ; Les Équipes populaires du Brabant wallon ; Vie Féminine Brabant wallon ; Serge CHARLIER, président du MOC Brabant wallon, de l’A idées formation ASBL et de Val de Senne, ASBL ; Eddy DE GELAEN, vice-président du MOC Brabant wallon ; Elisabeth BEAGUE, militante au MOC Brabant wallon et aux Équipes Populaires ; Juliette NIJIMBERE, vice-présidente du MOC BW et coordinatrice de l’ASBL Ibirezi vy ‘Uburundi ; Claire LAMMERANT, secrétaire fédérale du MOC Brabant wallon et présidente de Lire et Écrire BW ; Thierry TOUSSAINT, secrétaire fédéral adjoint du MOC Brabant wallon ; Sophia PAPADOPOULOS, directrice de Lire et Écrire Brabant wallon ASBL ; Mady LEDANT, secrétaire et responsable régionale des Équipes Populaires Brabant wallon ; Sandrine DE RIDDER, coordinatrice pédagogique et de projet de l’ASBL Mode d’Emploi Brabant wallon ; Agnès DELIRE, directrice à l’A Idées Formation ASBL ; Clémentine MÉNIL, directrice de l’AID Val de Senne ASBL ; Sylvie PETIT, responsable régionale d’Enéo Brabant wallon ASBL ; Eric VERMEERSCH, directeur du CESEP ASBL ; Paul KNUDSEN, directeur du Centre d’Action Laïque du Brabant wallon ASBL ; Patrick MONTJOIE, directeur du Centre Régional d’Intégration du Brabant wallon ; Aïcha ADAHMAN, directrice de Génération Espoir ASBL ; Charlotte GWIZABERA, responsable du secteur Éducation Permanente au sein de Collectif des Femmes ASBL ; Marie Thérèse NDUMBA, coordinatrice de Yambi développement ASBL Annick STAVEAUX, conseillère au CEFO / Interfédération des CISP ; Véronique HERRENT, directrice de Le Bric ASBL ; Rafaële BOUXAIN, responsable pédagogique à Apides ASBL ; Isabelle BOTMAN, directrice de Cadreci ASBL ; La Coordination Éducation permanente Brabant wallon, Sophia Papadopoulos, Thierry Toussaint, Eric Vermeersch, coprésident.e.s