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Les élèves de l’Officiel n’auront pas d’examens. Qu’attendent les autres réseaux pour inciter leurs écoles à en faire autant ?

Tribune

Le pouvoir organisateur Wallonie-Bruxelles Enseignement (WBE) a fait le choix de ne pas organiser de sessions d’examens en juin (sauf épreuves externes) et demande aux cheffes d’établissement d’évaluer leurs étudiants de manière diagnostique et formative, afin de mettre le focus sur les apprentissages essentiels qui n’auraient pas été correctement acquis, d’en tenir compte l’année scolaire suivante et, enfin, de rendre le redoublement exceptionnel. Cela a pour objectif de permettre à ces jeunes de gagner de précieuses semaines d’apprentissage et donc d’être mieux préparés pour commencer l’année prochaine.

Nous saluons cette décision qui a tout son sens sur le plan pédagogique et respecte les droits fondamentaux des élèves en matière d’égalité des chances dans l’acquisition des savoirs essentiels. Il restera à voir comment cela se pratiquera sur le terrain et, notamment si des sessions d’examens / sélection ne se camoufleront pas sous les vocables « évaluations formatives et/ou diagnostiques ». Les unes et les autres ayant des sens et des objectifs radicalement différents.

Tribune parue dans La Libre, le 11 mai 2021.

L’initiative de WBE est un exemple pour les autres réseaux qui devraient également proposer à leurs écoles de prendre le chemin du Droit des élèves. Aussi, nous appelons les pouvoirs organisateurs de toutes les écoles pour qui le souci des élèves, de leurs familles mais aussi des enseignants est primordial, à faire le choix de l’enseignement en ne mettant pas en compétition des élèves dont on sait qu’ils n’ont pas pu acquérir les savoirs.

Et, aux écoles, nous disons : Ne soyez pas de ces capitaines qui, imperturbablement, vont tracer leur route au milieu des icebergs sans se soucier de ceux qui tomberont à la mer. L’intérêt supérieur de l’enfant [1] doit toujours primer sur la liberté d’enseignement. Depuis des lustres, les élèves sont victimes de la concurrence entre écoles, se poussant mutuellement à pratiquer une sélection aussi inhumaine que stérile. Cette fin de trimestre doit être marquée par une trêve de printemps. Nul ne peut, dans notre système scolaire, s’asseoir délibérément sur les Droits de l’Enfant. L’objectif des semaines qui nous séparent de fin juin devrait être de commencer par évaluer formativement les acquis des élèves à ce moment de l’année, afin de mettre ensuite en place les remédiations nécessaires et donner les « essentiels » qui n’auraient pas été correctement intégrés ou donnés.

Dans notre interpellation vis-à-vis du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles et des réseaux d’enseignement, nous, membres de la Plateforme de lutte contre l’échec scolaire, appelions à changer les pratiques de fin d’année, de manière à permettre à un maximum d’élèves d’acquérir les savoirs essentiels. Nous rappelions que les jeunes, ainsi que leurs familles et les enseignants, ont été largement éprouvés par la pandémie et les mesures Covid prises dans les écoles ; notamment par l’enseignement en hybridation qui a montré ses limites et, ainsi, son inefficacité. Les experts de la santé mentale estiment à 50 % le nombre d’étudiants qui ont décroché physiquement ou passivement. Mettre en place les habituels examens de fin d’année sans, au préalable, s’être assuré que tous les élèves ont acquis les savoirs, serait non seulement une profonde injustice mais ne viserait qu’à pratiquer une sélection qui ne fera que détruire plus encore les principales victimes et impactera gravement leur avenir.

La ministre de l’Éducation, sensible à cette problématique, a intégré nos propositions dans sa circulaire de rentrée, fixant ainsi des repères clairs et rassurants en termes d’organisation des épreuves sommatives, de sanction des études et de recours. La pertinence de celle-ci a déjà incité le réseau d’enseignement WBE à supprimer les examens de juin. Nous espérons qu’il ne sera pas le seul !

Penser aux élèves, c’est aussi penser à leurs familles. Nombre d’entre elles sont proches du burn-out, complètement laminées par l’enseignement à distance qu’elles ont dû mettre en place, avec toutes les difficultés que cela a engendré en matière de coût, de connexions, d’organisation familiale, de gestion d’ado en décrochage ou en grande difficulté, etc. Ne pas faire d’examens et les remplacer par des apprentissages leur permettra de retrouver un peu de sérénité.

Il en va de même pour les enseignants, qui ont été au charbon avec toutes les difficultés que cela a représenté en matière d’enseignement à distance, ou en présentiel mais avec des mesures sanitaires représentant un très grand stress. Ils sont conscients du décrochage qui touche leurs élèves et sont nombreux à se demander comment faire pour les aider à acquérir un maximum d’apprentissages d’ici fin juin. Leur proposer d’évaluer formativement et anticipativement leurs élèves dès la reprise du 10 mai leur permettra de mettre en place des remédiations adaptées et les soulagera de ce stress. De même, cela leur permettra ainsi, en conseil de classe, de prendre les décisions les plus justes possibles dans le cadre d’une année perturbée par le Covid. Ils pourront refaire leur métier de manière plus sereine avec leurs étudiants, enfin à nouveau en présentiel.

La crise sanitaire a eu un impact important sur nos écoles, leurs élèves et leurs familles, ainsi que leurs enseignants. L’année a été chahutée et personne ne peut dire qu’il en est ressorti totalement indemne. Six à sept semaines d’apprentissage ne vont pas réparer les dégâts mais elles peuvent les atténuer. Et surtout, préparer l’année prochaine en permettant à chacun de retrouver le plaisir d’apprendre ou d’enseigner. L’objectif est bien de remotiver tous les élèves et leurs enseignants et de les replacer sur des bases fermes et solides en vue de la rentrée de septembre.

De nombreuses écoles mettent déjà le respect des Droits fondamentaux au cœur de leurs valeurs et adaptent leur pédagogie en fonction de l’intérêt supérieur de leurs élèves. Elles sont capables de remettre en question leurs pratiques et de se réinventer. La circulaire est un outil qui leur permet de baliser la fin d’année afin que toutes et tous les élèves, les familles et les enseignantes puissent souffler et se reconstruire sans stress inutile et ainsi envisager l’année scolaire à venir avec une certaine sérénité.

Les signataires

L’APED (Appel pour une École démocratique),
ATD Quart Monde Jeunesse Wallonie-Bruxelles,
CGé (ChanGements pour l’égalité),
La FAPEO (Fédération des Associations de parents de l’enseignement officiel),
LA FFEDD (Fédération francophone des écoles de devoirs),
Infor-Jeunes Laeken,
La Ligue des Droits de l’Enfant,
La Ligue des Familles,
Lire et Écrire,
Le Réseau wallon de lutte contre la pauvreté,
Le SEL-SETCA,
La CGSP-Enseignement.


[1Article 3 § 1 de la Convention internationale des Droits de l’Enfant : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale.