La Wallonie picarde n’a pas, comme d’autres régions (Liège, Bruxelles, le Borinage…), de tradition d’immigration. C’est au début des années 2000 que notre territoire a vu arriver les premiers migrants issus principalement du continent asiatique : Iran, Afghanistan, républiques issues de l’ex-URSS… À l’époque il s’agissait principalement de personnes scolarisées (les premières personnes à pouvoir fuir la misère ou la guerre sont souvent les plus instruites). Ces personnes étaient donc davantage orientées vers des formations en FLE (français langue étrangère) mises en place à l’époque par les Écoles de Promotion Sociale. C’est à la fin de l’été 2015, avec l’ouverture des Centres d’Accueil pour Réfugiés à Tournai et à Mouscron (accueillant respectivement 600 et 900 personnes) que le nombre de demandes de formation en alpha pour personnes étrangères a considérablement augmenté ; la plupart de ces demandes étant émises par des personnes dont le français n’est pas la langue maternelle. Depuis deux ans, la question de l’accueil et de l’accompagnement des personnes d’origine étrangère a également pris le visage de ces jeunes venu.e.s d’Érythrée et d’Éthiopie qui font halte en Wallonie picarde sur la route qui, l’espèrent-ils.elles, les mènera jusqu’en Angleterre : pays qui leur est présenté par les passeurs/traffiquants d’êtres humains comme une destination où « ils auront plus de chances de survivre y compris clandestinement » (CIRE, 2019).

Fin 2018, Lire et Écrire Wapi a contribué à la création de l’ASBL PIT « Plateforme pour l’Interculturalité à Tournai ». Cette association qui regroupe des citoyens et des associations du territoire est pilotée non seulement par Lire et Écrire mais également par la Maison Internationale de Tournai ainsi que par le Mouvement Ouvrier Chrétien et les Femmes Prévoyantes Socialistes. Elle s’est donné les objectifs suivants :

• assurer un accueil digne et solidaire en informant et orientant les personnes étrangères et/ou d’origines étrangères dès leur arrivée à Tournai,
• favoriser le processus d’intégration dans un esprit de cohésion sociale et de solidarité, par le biais d’un dialogue interculturel et d’activités participatives, de, par et avec les citoyens,
• élaborer et porter un plaidoyer politique commun en lien, d’une part, avec l’actualité de la problématique du droit des étrangers et, d’autre part, avec les objectifs de la PIT.

Financées principalement grâce à des subsides « ILI » (Initiative Locale d’Intégration) émanant de la Région Wallonne ainsi que par des aides provenant de la Province, de la Conférence de Bourgmestres de Wallonie picarde et par des dons privés, les actions de la PIT se déclinent selon quatre axes :

• Le premier consiste à mener et coordonner des actions directement liées aux personnes migrantes : organisation de permanences juridiques visant à aider les personnes à connaître et faire valoir leurs droits, accompagnement social des publics et organisation de cycles de formation à la citoyenneté avec le soutien notamment du Centre Régional d’Intégration (CIMB).
• Le deuxième axe de travail - qui est au cœur du projet de la PIT - est celui de l’interpellation et du plaidoyer politique. Car si les initiatives individuelles et citoyennes sont importantes, voire parfois essentielles, la question de l’Interculturalité est avant tout un projet de société qui doit être porté et défendu par les responsables politiques. Très investie aux côtés du CNCD pour défendre notamment le vote d’une motion déclarant Tournai « Commune hospitalière » au Conseil communal en novembre 2019, la PIT a également interpellé la conférence des Bourgmestres de Wallonie picarde, la Province, et la Commune de Tournai concernant la mise ne place d’un accueil digne et solidaires pour les migrant.e.s en transit sur le territoire de Wallonie picarde. À travers ce travail, à l’heure où les questions de « démocratie directe » et de « gestion horizontale » de la question sociale sont à la mode, la PIT démontre l’importance de se structurer et de s’organiser en tant que corps intermédiaire permettant de faire la jonction entre le terrain et les sphères politiques décisionnelles.
• Le troisième axe de travail de la PIT se traduit par l’organisation de moments de rencontres interculturelles. Citons la « Fête de la diversité », la « Fête Interculturelle » et la soirée « Poésies du monde » organisée chaque année en partenariat avec la Bibliothèque dans le cadre du Festival « Tournai Ville en Poésie ».
• Le denier axe, et non des moindres, autour duquel les membres de la PIT se mobilisent se caractérise par le soutien apporté aux initiatives citoyennes et bénévoles visant l’interculturalité à Tournai. Actuellement, ce travail est particulièrement consacré à la mise en œuvre du projet « Ré-PIT » qui vise les exilé.e.s en transit sur notre territoire. L’occupation future du nouveau local permettra d’abriter au moins quelques heures par jour (9h-20h) ces personnes leur permettant d’accéder à des installations sanitaires, à de la nourriture et à un espace chauffé. Mais pas seulement. Ce lieu sera également destiné à donner des informations juridiques concernant les demandes d’Asile, permettre un accompagnement vers des structures psycho-médicales appropriées (soins, IVG, …), se familiariser avec la langue française afin de faciliter les échanges et de pouvoir décoder les implicites du pays d’accueil/de transit, etc. Afin de soutenir cet élan de solidarité citoyenne, et pour permettre la prise en compte de besoins fondamentaux et l’ouverture de ce lieu, la PIT a travaillé en étroite collaboration avec différents acteurs parmi lesquels de nombreux bénévoles ainsi que : La Croix-Rouge, le CPAS, le CHWAPI, Le planning familial Aurore Carlier, Les Jeunes Organisés et Combatifs, …

À travers ces différents axes de travail, Lire et Écrire Wapi et ses partenaires poursuivent un projet de société interculturelle qui, on l’aura constaté revêt des dimensions tantôt sociales, tantôt humanitaires, tantôt politiques, tantôt culturelles,… bref une complexité et des enjeux qui nécessitent d’être traités avec force, conviction et organisation. Gageons que l’ouverture prochaine de ces nouveaux locaux y contribuera précieusement.