En Wallonie picarde, Lire et Écrire est présente dans huit communes : Ath, Belœil, Bernissart, Lessines, Leuze-en-Hainaut, Mouscron, Péruwelz et Tournai. Ce maillage territorial répond à une réalité persistante : des inégalités profondes d’accès aux savoirs fondamentaux, auxquelles les partenaires locaux s’efforcent d’apporter des réponses concrètes. Intéressons-nous de plus près aux données de l’ISADF (Indicateur Synthétique d’Accès aux Droits Fondamentaux) publiées ce jour par l’IWEPS.
Dans ces huit communes, la part d’adultes sans diplôme ou avec pour seul bagage l’enseignement primaire dépasse souvent la moyenne wallonne (6,83 %) ainsi que la moyenne régionale de Wallonie picarde (7,19 %). Elle atteint 12,6 % à Mouscron, frôle ou dépasse les 9 % à Péruwelz, Bernissart et Tournai, et reste élevée à Lessines (8,13 %) et Leuze (7,01 %). Ces chiffres désignent une réalité : de nombreuses personnes ont quitté l’école sans maîtriser les savoirs de base. Depuis, elles entretiennent un rapport difficile à l’écrit, aux chiffres, aux institutions.
Un tel niveau d’infrascolarisation a des répercussions concrètes. Il pèse sur les parcours professionnels, les conditions de logement, l’accès à la santé ou à la citoyenneté. Les scores ISADF associés au droit au revenu illustrent ce lien. À Péruwelz et Bernissart, les indicateurs de revenus disponibles, de difficultés à boucler les fins de mois ou de privation matérielle sont nettement inférieurs aux moyennes wallonnes. Tournai présente des fragilités similaires, notamment pour les familles monoparentales. Ce sont des territoires où les faibles qualifications semblent se traduire en instabilité financière.
Les données déclaratives confirment ces difficultés. Dans toutes les communes concernées, une partie des habitants dit avoir du mal à lire, écrire, s’exprimer en français ou effectuer des calculs simples. Jusqu’à 3,61 % à Tournai se déclarent en difficulté avec le français, plus de 5 % à Mouscron avec les chiffres. Là encore, ces chiffres sont probablement sous-estimés, car il faut du recul et de la confiance pour admettre ses fragilités. Mais ils rejoignent ce que nous observons sur le terrain.
Lire et Écrire accompagne chaque année plus de 300 personnes sur notre territoire de Wallonie picarde. Et chaque parcours le confirme : l’alphabétisation n’est ni un luxe ni un supplément. C’est bien souvent une condition nécessaire pour vivre dignement, pour accéder à ses droits, pour accompagner ses enfants, pour se reconstruire, pour faire face aux injonctions administratives et sociales de plus en plus complexes.
Alors que les politiques de l’emploi et de l’insertion font l’objet de profondes reconfigurations, nous réaffirmons que l’alphabétisation doit être pleinement reconnue comme un droit fondamental, garant de l’égalité et de la participation de toutes et tous à la vie sociale. Elle ne peut être cantonnée à un outil d’activation ou d’adaptation à court terme. Elle appelle des décisions politiques courageuses, des moyens à la hauteur des besoins, et une reconnaissance du travail accompli chaque jour sur le terrain.
Car accompagner des personnes en situation d’illettrisme, c’est bien plus que transmettre des savoirs de base. C’est soutenir des trajectoires abîmées, ouvrir des espaces de confiance, recréer des liens, redonner prise sur le réel. C’est un travail exigeant, profondément humain, qui s’inscrit dans une vision de société fondée sur la solidarité, la justice sociale et l’humanité.