Au fil des semaines, vous découvrirez leurs histoires reprises ci-dessous.
Michel, 63 ans, habite à Houdeng-Goegnies
Faisons connaissance
Cela fait une dizaine d’années que je suis à Lire et Écrire avec quelques interruptions. J’ai décidé de venir à Lire et Écrire car j’en avais marre de demander à d’autres personnes de lire mon courrier, de demander de l’aide. Je me suis inscrit à Lire et Écrire pour devenir autonome : pouvoir lire mon courrier, courrier du CPAS, de la commune, le courrier des élections et être capable d’aller voter en connaissance de cause.
Depuis que je suis à Lire et Écrire, j’ai fait pas mal de choses. C’est pas parce qu’on ne sait pas lire et écrire qu’on ne sait rien faire.
J’ai joué dans trois pièces de théâtre, j’ai réalisé, avec un collectif de la FGTB, une BD dénonçant des nouvelles mesures contre les allocataires sociaux, j’ai créé une chanson rap avec mon groupe, j’ai mené des actions militantes avec un groupe de Lire et Écrire et aussi des actions de sensibilisation sur l’illettrisme, sur le droit à l’alphabétisation pour tous.
Je déteste les injustices et les inégalités, c’est pour cela que je suis dans un groupe militant de Lire et Écrire. J’aime bien agir, bouger contre les injustices sociales.
J’agis aussi pour les sans papiers, contre la chasse aux chômeurs, j’agis pour les droits de « tous les sans » (les sans papiers, les sans abris, les sans travail, les sans famille etc…)
Encore une fois, j’ai participé à l’action du 8 septembre car maintenant tout se fait sur rendez-vous, via internet : ONEM, FOREM , CPAS, mutuelle, la commune, etc. Il faut tout faire par ordinateur !
Ils n’ont pas pensé aux personnes en difficultés de lecture et d’écriture ou qui n’ont pas internet ou d’ordi ou de smartphone.
Je fais de la sensibilisation tous les jours.
Mon histoire
Voici ce qui m’est arrivé récemment :
Dans mon immeuble, je descendais pour aller chercher mon courrier. J’étais près des boîtes aux lettres et une voisine avait oublié ses lunettes et m’a demandé si je voulais bien lire son nom sur une des boîtes aux lettres.
Je lui ai dit que j’étais désolé mais que je ne pouvais pas l’aider car j’ai des difficultés en lecture et en écriture. Tout gentiment, elle m’a remercié et m’a dit que c’était pas grave et qu’elle allait demander à une autre personne.
Par la suite, je l’ai invitée à venir boire un verre à la maison pour mon anniversaire.
Il y avait la BD sur la table et je lui ai expliqué que j’avais réalisé cette BD avec le collectif de la FGTB.
Je lui ai aussi expliqué que j’avais joué dans trois pièces de théâtre avec Lire et Écrire malgré mes difficultés en lecture et en écriture.
J’ai vu un petit sourire sur son visage et elle m’a dit que c’était vraiment chouette de se battre pour ça, pour quelque chose. Elle m’a demandé comment j’avais pu faire tout ça. Je lui ai expliqué rapidement comment on travaillait à Lire et Écrire.
Avant, je n’aurais jamais dit que j’avais des difficultés en lecture et en écriture. Depuis que je suis à Lire et Écrire, je n’ai pas honte de le dire et j’ai plus confiance en moi…
Luis, 51 ans, habite La Louvière, à LEE depuis 2017
Faisons connaissance
Je suis à LEE pour apprendre, pour améliorer mes capacités. J’en avais marre de rester à rien faire. Et vu ma situation, je veux dire vu que j’ai des difficultés de lecture et d’écriture, je ne trouve pas de travail . Je ne veux plus rester dans l’ombre, je veux devenir autonome, càd savoir me débrouiller tout seul, ne pas devoir compter sur les autres pour faire mes papiers.
Qui est Luis ?
Je cherche encore qui je suis. J’essaie de trouver mon chemin, de m’orienter et d’avoir un but.
Je suis comique, j’aime l’humour, j’aime raconter des blagues, faire rire et sourire. Je suis un musicien, j’ai appris à jouer de la guitare en regardant des tutos sur internet.
Ce qui est important dans ma formation à part améliorer la lecture et l’écriture, c’est apprendre à connaître mon environnement, le monde, les droits sociaux.
Ce qui est important pour moi, c’est aussi pouvoir aider les personnes qui subissent des injustices sociales, qui sont en difficultés. J’ai envie de donner de l’espoir et du courage à ceux qui sont dans les difficultés. Leur dire que même si on a des difficultés, des obstacles dans la vie, la vie est belle.
Je participe au 8 septembre, Journée Internationale de l’Alphabétisation, chaque année depuis que je suis à LEE pour montrer que LEE existe, pour que les personnes en difficultés de lecture et d’écriture puissent franchir les portes de l’association.
C’est quoi les oubliés du numérique ?
- Plus aucun contact humain quand tu as besoin d’un service ( FOREM , CPAS, Mutuelle, administration communale, banques, médecin etc )
- En général, les personnes qui ont des difficultés en lecture et en écriture, ont aussi des difficultés avec l’informatique, avec le numérique.
- Certains n’ont ni ordinateur, ni smartphone, ni tablette et pas de connexion internet ; ça coûte cher surtout quand tu es sans emploi.
Dans un sens, c’est bien la technologie car en période de pandémie, par exemple, on peut se voir, se parler en visio, en plus c’est rapide. On envoie rapidement des mails, des messages … Mais la technologie est en train de remplacer l’humain, le contact humain et là c’est vraiment négatif.
Je pense que chaque citoyen devrait avoir le matériel numérique et la connexion. Et aussi, on devrait organiser des cours d’informatique pour les personnes qui n’ont pas l’habitude d’utiliser le numérique.
Je veux dire que les banques, les administrations, les mutuelles, les CPAS, le FOREM … ou l’État devraient organiser des cours d’informatique pour les gens qui sont perdus avec le numérique.
Pour moi, le contact humain est très important, je ne veux pas vivre dans un monde de robots.
C’est plus simple et plus agréable de parler avec un humain que de suivre des consignes données par un robot, un enregistreur.
Jérome, 34 ans, C’est ma 4e année à LEE
Faisons connaissance
A la base, j’étais fort dyslexique, je ne m’en sortais pas avec mes papiers et je devais toujours compter sur mon frère.
Être à lire et à écrire, ça m’a permis de suivre une formation qualifiante en soudure.
Depuis que je suis à LEE, je me sens beaucoup mieux, je me permets de faire des choses : par exemple, j’ose être interviewé par des journalistes.
Je fais partie du groupe « Agir collectivement », on se pose beaucoup de questions sur la société, sur les inégalités sociales et comment agir pour plus d’égalités sociales.
Ça me permet donc de voir plus large.
Je fais partie également du groupe "Le laboratoire culturel" : on y a créé une chanson rap sur les inégalités , on a appris à chanter, à se tenir sur scène , on s’est intéressé à la culture rap…
Vu que j’ai pas mal d’amis qui font du rap , maintenant , j’arrive à comprendre leur univers de rappeurs et me sentir plus à l’aise avec eux .
J’ai pu nourrir ma passion qui est le rap mais surtout j’ai osé .
Ce qui m’a aidé c’est la confiance du groupe qui m’a permis d’avoir plus confiance en moi.
C’est quoi les oubliés du numérique ?
Pour moi, la fracture numérique, je dirais plutôt, on n’est pas en fracture numérique quand :
- On arrive à se connecter sur son PC
- Quand on a le matériel : tablette, ou smartphone, ou ordi …
- Quand on a une connexion chez soi
- Quand on arrive à utiliser l’internet sans risque : éviter les arnaques, les virus, les fakes news …
- Quand on arrive à sécuriser ses applications
- …
Avec la pandémie, tout se fait via le numérique : prise de RDV, demande de documents, recevoir et envoyer des mails …
Mon message après une histoire vécue
Mon message sur mon affiche est né suite à une situation vécue dans le bus.
Sans expliquer la situation en détails, cette affiche a permis aux gens de comprendre notre situation et que ce genre de situation, ça existe, c’est du réel .
Je vais vous raconter la petite histoire :
On est monté dans le bus, mon pote Michel et moi. On arrive à l’appareil, impossible de passer la carte de Michel. Michel appelle le chauffeur lui disant qu’il a des difficultés en lecture et en écriture ; le chauffeur n’a pas bougé. Un gars s’est permis même de dire tout haut « Quand on ne sait pas lire et écrire, on ne prend pas le bus. » Perso, ça m’a gonflé, je lui ai répondu assez sec. Tout le monde nous regardait mais personne n’a bougé pour nous aider.
Je me suis alors un peu énervé et une jeune femme a pris la carte et nous a aidés.
J’ai dû être menaçant pour avoir de l’aide, ce n’est pas normal. Il y a encore beaucoup de gens qui ne savent pas qu’une personne sur 10 en Belgique a des difficultés en lecture et en écriture. C’est pour ça qu’on se retrouve dans ce genre de situation. On doit plus sensibiliser .
Aurélie, 27 ans, habite à Morlanwelz, cela fait 3 ans qu’elle suit une formation à LEE
Faisons connaissance
Pourquoi ai-je décidé de m’inscrire à LEE ?
Je cherchais du travail et à chaque fois, on demandait d’avoir le permis de conduire. Je n’avais pas assez confiance en moi pour passer l’examen théorique du permis de conduire.
J’ai comme projet de suivre une formation qualifiante « Accueillante d’enfant ». Pour cela, je dois avoir plus confiance en moi et me préparer à rentrer en formation. Voilà ce que j’essaie de travailler en formation à LEE.
Ma formation à LEE m’a permis de m’affirmer. Il y a 3 ans, jamais, je n’aurais cru pouvoir créer une chanson et chanter devant un public .. Maintenant, je peux dire avoir confiance en moi.
C’est quoi les oubliés du numérique ?
Pour moi la fracture numérique, c’est le fait que tout se fait par ordinateur, via smartphone ou via une machine : il n’y a plus de contact humain.
La fracture numérique touche aussi bien les personnes plus âgées, c’est une question de génération.
Mais, il y a aussi des personnes en difficultés de lecture et d’écriture qui subissent cette fracture numérique, on se sent doublement exclu.
Mon message…
Après avoir visionné les capsules vidéos de la campagne LEE, j’ai trouvé que à chaque fois, dans chaque situation, recherche d’emploi, aller chez le médecin, la mobilité etc…
C’est comme si tu recevais un coup en plein visage.
Puis on ressent de la colère, de la rage, de l’incompréhension car on se sent exclu, on ne se sent pas pris en compte, on ressent comme un certain rejet. Voilà ce que veut dire mon message.
Dominique, 52 ans, habite Cuesmes
Faisons connaissance
Je suis venue à LEE pour m’en sortir. Je voulais faire une formation en couture, j’avais des problèmes pour prendre le train, lire les instructions, les horaires, j’étais bloquée. Le contrôleur ne comprenait pas mes difficultés.
Beaucoup de personnes sont encore bloquées mais elles n’osent pas en parler, elles se cachent.
Les gens nous regardent de travers, ils rigolent de nous et ça nous fait souffrir.
Maintenant, j’ose dire que j’ai des difficultés en lecture et écriture, les gens m’aident.
La formation LEE m’a fait comprendre que je ne devais plus me cacher. Avant, j’avais l’impression de vivre une double exclusion.
Même ma voisine ne savait pas que j’avais des difficultés en lecture et en écriture. Elle m’a félicitée pour mon projet quand je suis passée à la télé pour sensibiliser le large public.
C’est quoi les oubliés du numérique ?
Pour moi, la fracture numérique c’est par exemple ne pas pouvoir utiliser internet pour passer une commande pour la Saint Nicolas vu que les magasins non essentiels sont fermés. Je suis donc encore fois bloquée. Et donc je suis pas bien du tout, je suis mal dans ma peau car je ne sais pas faire comme tout le monde. Alors je me replie sur moi et ça me stresse encore plus.
On ne pense pas aux personnes en difficultés de lecture et d’écriture.
Mon message…
Mon message est en lien avec ce que j’ai vécu.
Quand j’ai dit à ma famille que je ne savais pas lire et écrire, on s’est moqué de moi.
Je me suis donc renfermée. Il faut du courage pour oser en parler. Le fait qu’on se soit moqué de moi, ça m’a donné de la force pour franchir la porte de LEE, j’ai éprouvé une certaine rage.
Pendant des années, je me suis cachée et encore actuellement il y a beaucoup de personnes qui se cachent et d’autres qui ignorent que l’illettrisme existe en Belgique.
Philippe, 38 ans, Morlanwelz, est à Lire et Écrire depuis 4 ans.
Faisons connaissance…
Je me suis inscrit mais il a fallu le temps car j’avais peur des moqueries ; Ma conseillère Forem m’a fait comprendre que cela allait m’aider à évoluer.
J’aimerais m’occuper des enfants et écrire des livres pour les enfants. J’ai déjà écrit un premier jet. Mais avec la covid, c’est un peu en stand bye. Il n’est pas fini.
Le titre : "Toby et son don"
Je veux travailler ma lecture et mon écriture pour aller vers l’emploi.
Mes lacunes, c’est la ponctuation. J’écris tout en un bloc.
Au début quand j’étais à lire et écrire, on me demandait ce que j’allais faire là. Et moi je voulais apprendre plus ; on me disait que je n’allais pas y arriver ; j’ai prouvé le contraire. Je me suis amélioré. J’ose plus dire que je vais en formation. Et maintenant, on m’encourage.
Le but dans la vie est de pouvoir évoluer et pas de régresser !
Moi et le numérique …
La fracture numérique, pour moi, c’est quand on ne sait pas se débrouiller en informatique. Ce n’est pas une question d’âge. Tout le monde ne sait pas se débrouiller avec.
La fracture numérique me touche et touche beaucoup de monde. On essaie de se débrouiller et on y arrive. Ce qui est difficile, ce sont les emails.
Les vidéos conférence au début, c’était difficile de se connecter ; J’avais besoin d’aide. Sans aide, j’aurais dû aller à Lire et Écrire pour qu’on m’aide. Mais demander de l’aide, ce n’est pas facile. Je suis têtu. Si je dois demander de l’aide, je me sens inférieur. J’essaie toujours de me débrouiller seul d’abord.
C’est important d’en parler. Je n’ai plus honte de mes lacunes. J’ai d’autres compétences. Ça équilibre.
Mon message pour le grand public …
N’ayez pas honte de vos lacunes en numérique, informatique, on apprend tous les jours ; vous ne pouvez pas faire pire, vous ne pouvez que faire mieux !
Ne jugez pas les personnes qui ont ces lacunes. Ne nous mettez pas une étiquette. On a d’autres compétences.
On n’est pas tout seul à avoir des difficultés ; il faut oser prendre des risques et sortir de son confort.
M’impliquer dans la campagne, me permet de faire des choses que je n’aurais jamais osé faire auparavant. C’est pouvoir se faire entendre et de montrer aux autres qu’il y a moyen d’apprendre, d’aller en formation.
N’ayez pas honte de franchir la porte, on vous accueillera à bras ouverts ; enfin à distance😊😁😁 . Il faut garder l’humour, cela nous sauve ; le rire est important.
Aussi présent sur la page Facebook de Lire et Écrire Centre Mons Borinage.