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Avec la crise Covid, obtenir la nationalité belge devient un vrai parcours du combattant

Courrier aux ministres de la Justice et de l’Intérieur et aux députées des commissions Justice et Intérieur

Dans un courrier adressé aux ministres de la Justice et de l’Intérieur ainsi qu’aux députées des commissions Justice et Intérieur de la Chambre, Lire et Écrire et plusieurs associations – dont l’ASBL Objectif, initiatrice de ce projet – expriment leur inquiétude face aux difficultés que rencontrent les personnes qui souhaitent obtenir la nationalité belge en ces temps de crise sanitaire.

Parmi les difficultés pointées par les auteurs de cette lettre : des centres de langues débordés, des délais administratifs impossibles à tenir, mais aussi l’usage toujours plus fréquent et même exclusif des outils numériques qui empêchent certains candidats d’obtenir la nationalité belge, à laquelle ils pourraient pourtant prétendre si ces circonstances particulières n’existaient pas. Ainsi certaines communes demandent que l’intégralité du dossier de la personne leur soit envoyé par e-mail avant d’octroyer un rendez-vous.

Ceci n’est pas toujours simple pour les personnes qui n’ont pas le matériel nécessaire chez elles et qui ne peuvent plus avoir accès à des points relais souvent fermés ou difficilement accessibles. Pour les personnes illettrées, frappées elles aussi par la fracture numérique, se greffent d’autres difficultés inhérentes à leur faible maitrise des savoirs de base. Sans une personne de contact à un guichet, elles risquent tout simplement de ne pouvoir faire valoir leurs droits car le numérique passe essentiellement par l’écriture et la lecture.

Le courrier adressé aux députées :

Mesdames et messieurs les Députées,

Nous vous écrivons car nous sommes préoccupées par les situations parfois difficiles que rencontrent les personnes qui souhaitent obtenir la nationalité belge en ces temps de crise sanitaire. Celles-ci font face à des obstacles supplémentaires du fait de la pandémie et cela aboutit parfois à purement et simplement les empêcher d’obtenir la nationalité belge, à laquelle elles pourraient pourtant prétendre si ces circonstances particulières n’existaient pas. Ainsi, les difficultés pour obtenir certains documents ou rencontrer certaines administrations peuvent non seulement allonger le temps d’attente pour les personnes mais elles peuvent même aboutir à ce que certains de leurs documents ne soient plus pris en compte.

Sans vouloir rentrer dans les détails de chaque situation compliquée à laquelle nous avons été confrontées lors de notre travail sur le terrain, nous souhaitons attirer votre attention particulièrement sur les problèmes suivants :

  • Les communes sont disponibles uniquement à distance ou sur rendez-vous, lesquels ont parfois lieu plusieurs semaines après la prise de contact initial, ce qui est notamment lié au fait qu’elles travaillent parfois avec des effectifs réduits à cause du télétravail ou de personnes en quarantaine.
  • Avec un usage toujours plus fréquent et demandé des outils numériques, les difficultés liées à la fracture numérique se multiplient. Ainsi certaines communes demandent que l’intégralité du dossier de la personne leur soit envoyé par e-mail avant d’octroyer un rendez-vous. Ceci n’est pas toujours simple pour les personnes qui n’ont pas le matériel nécessaire pour ce faire chez elles et sachant que les endroits où elles pouvaient effectuer ces scans d’habitude étaient parfois fermés ou moins accessibles. Pour les personnes illettrées, frappées elles aussi par la fracture numérique, se greffent d’autres difficultés inhérentes à leur faible maitrise des savoirs de base. Sans une personne de contact à un guichet, elles risquent tout simplement de ne pouvoir faire valoir leurs droits car le numérique passe essentiellement par l’écriture et la lecture.
  • Les centres où les personnes peuvent aller passer un test de langue sont débordés. À Bruxelles, Actiris a plus de 400 personnes sur sa liste d’attente et n’accepte donc plus pour l’instant d’inscrire les personnes qui téléphonent pour prendre rendez-vous, tandis que Bruxelles Formation ne rouvrira qu’au mois de mars et pour un jour par semaine seulement. En Wallonie, certains centres du Forem ne rouvrent également qu’en mars et aussi à des horaires réduits alors que d’autres n’avancent encore aucune date d’ouverture.
  • Au niveau des formations citoyennes / d’intégration, seul un nombre restreint de personnes sont admis à les suivre à l’heure actuelle (parfois jusqu’à un tiers seulement de la capacité d’accueil normale), pour respecter les mesures sanitaires ou faciliter les échanges virtuels. Bien que cela soit tout à fait compréhensible, le résultat est qu’en de nombreux endroits partout en Belgique ces formations sont déjà complètes jusque juin voire décembre 2021.
  • Une personne qui aurait tout juste le nombre de jours de travail suffisants pour introduire sa demande mais qui se verrait obligée d’attendre plusieurs semaines avant d’avoir un rendez- vous avec sa commune, par exemple, pourrait « perdre » certains jours de travail en raison du dépassement du délai de 5 ans endéans lequel ces jours doivent être accomplis. Si cette personne n’a pas d’emploi actuellement, il est pratiquement impossible de lui dire quand elle remplira à nouveau cette condition.
  • Une personne qui remplirait toutes les conditions et aurait tous les documents nécessaires à l’exception de la copie intégrale récente de son acte de naissance pourrait également se retrouver forcée à attendre, sans toujours savoir combien de temps. En effet, dans la majorité des cas, ce document doit venir du pays de naissance de la personne. Les exceptions à cette règle concernent uniquement les personnes réfugiées et apatrides ainsi que les ressortissants du Soudan du Sud, de l’Afghanistan, de l’enclave Cabinda en Angola et de la Somalie. Dans tous les autres cas, la copie de l’acte de naissance doit être obtenue auprès des autorités du pays d’origine de la personne, que ce soit par la personne elle-même ou si elle a cette chance, avec l’aide d’un proche. Mais les restrictions imposées en matière de voyages et de déplacements, parfois au sein même des pays étrangers, peuvent rendre très difficiles, voire impossibles, les démarches pour se le procurer. Or certaines communes n’acceptent une copie de l’acte de naissance que de maximum 3 ou 6 mois, ce qui, à l’heure actuelle, revient à forcer les gens à se confronter à ces difficultés pratiques, parfois insurmontables.

La loi du 20 décembre 2020 portant des dispositions diverses temporaires et structurelles en matière de justice dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus a prévu un allongement de deux mois du délai de décision dont dispose le Procureur du Roi pour toutes les demandes de nationalité introduites entre le 24 décembre 2020 et le 31 mars 2021. Nous comprenons tout à fait que les Parquets, confrontés à des difficultés similaires à celles évoquées ci-dessus, aient besoin de davantage de temps pour pouvoir effectuer correctement leur travail de vérification et d’enquête pour apporter les réponses appropriées aux demandes de nationalité qu’ils reçoivent. Nous sommes cependant déçues de constater que cette même attention n’a pas été portée aux ressortissantes étrangeres qui entament les démarches pour obtenir la nationalité belge.

Il nous semble, au vu de toutes les difficultés énoncées, que des assouplissements temporaires doivent être prévus pour les personnes qui demandent la nationalité belge actuellement. Ainsi, dans l’immédiat et de manière exceptionnelle…

  • Les jours de travail devraient être pris en compte pendant une année supplémentaire.
  • Les copies des actes de naissance devraient pouvoir être demandées aux consulats et ambassades des pays de naissance des ressortissants étrangers. Ou encore, les communes devraient être obligées d’accepter des copies des actes de naissance pendant un délai plus long que celui qu’elles demandent habituellement.
  • Les personnes originaires, et éventuellement ayant été scolarisées, dans un pays francophone devraient pouvoir justifier de leur connaissance du français.

D’autres solutions, qui font en plus sens à plus long terme, permettraient également d’atténuer ou de résoudre certains problèmes dans l’immédiat. Ainsi la reconnaissance et l’acceptation généralisée par les Parquets wallons des tests de français donnés dans les Centres régionaux d’intégration en Wallonie permettraient de diminuer fortement le nombre de personnes devant passer un test dans un centre du Forem. De même, à Bruxelles, si les tests passés dans le cadre du parcours d’intégration étaient acceptés sans aucun doute, cela éviterait à de nombreuses personnes de passer un deuxième test chez Actiris ou Bruxelles Formation. Cela permettrait à de nombreuses personnes de ne pas devoir passer ce test plusieurs fois, tout en laissant les places disponibles aux personnes qui n’ont pas encore du tout passé de test de langue et en ont donc réellement besoin.

Nous avons bien conscience que la situation actuelle n’est facile pour personne. Cependant, en allongeant le délai de décision dont disposent les Procureurs du Roi en matière de nationalité, vous avez montré que des solutions existent et qu’elles peuvent être mises en œuvre relativement facilement. Nous vous demandons simplement de faire également bénéficier de ces solutions les personnes qui demandent la nationalité belge, par essence plus vulnérables que les Parquets. Nous vous remercions d’avance de l’attention que vous aurez portée à ce courrier et nous restons bien sûr disponibles pour échanger davantage avec vous sur ce sujet si vous le désirez. Nous vous prions d’agréer, mesdames et messieurs les Députées, l’expression de nos salutations distinguées.

CAI Namur ASBL, CeRAIC ASBL, CIMB ASBL, Ciré, CRIC ASBL, CRILUX ASBL, CRVI ASBL, Cultures&Santé ASBL, Institut kurde de Bruxelles, mouvement Lire et Écrire, Mrax, Objectif - Mouvement pour l’égalité des droits, Siréas ASBL, Vluchtelingenwerk Vlaanderen.

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